La Cause des autistes, le combat d’une avocate

A travers son engagement et de nombreux exemples pris à son expérience d’avocate dédiée au bien-être des autistes en France, Sophie Janois dresse dans La Cause des autistes un terrible constat sur le retard de la France en matière de traitement, d’accompagnement, de scolarisation…

 

« Mon enfant est autiste »

Vivre la révélation de l’autisme de son enfant comme un soulagement pourrait paraître saugrenu. Pourtant, quand on a erré de médecin en médecin sans que jamais le diagnostic ne soit posé, et que tous les chemins traditionnels (école, sociabilité, etc.) se referment un à un, la pose du diagnostic apparaît comme un moment de victoire. En France, pourtant, poser un mot ne change presque rien, tant les structures spécialisées, les formations, les professionnels compétents et humains font défaut.

Votre enfant est autiste et veut aller à l’école ? C’est son droit, mais… comment être sûr qu’il va être convenablement pris en charge avec ses immenses besoins et pas laissé dans un coin ? Comment obtenir une AVS (Aide de Vie Scolaire) et être certain qu’elle est parfaitement formée ? Comment faire entrer dans l’institution scolaire les thérapeutes dédiés au bon développement de l’enfant ? et comment convaincre l’institution elle-même, cette immense forteresse forclose et têtue, fière de ses ignorances et de son immobilisme, qu’un enfant autiste est avant tout un enfant et que l’autisme n’est pas une maladie ?

Être parents d’enfant autiste, c’est aussi apprendre qu’il va falloir se battre seuls contre une institution qui ne met rien à votre portée, ni les aides, ni les simples questionnaires qui ne sont que fatras jargonnant, ni même le langage car, outre les modes (aujourd’hui c’est « autonomie » ou « inclusion »), tout fonctionne en acronyme et s’y perdre est le chemin naturel. AVS ou AESH ? IME ou IMPro ? Un rien ironique, Sophie Janois rappelle que l’Etat, qui pour elle a carrément « abandonné » la cause des autistes, est un labyrinthe ou perdre sa foi et sa raison.

Être parent d’enfant autiste, c’est avant tout mettre sa vie en suspens, en faire le sacrifice par amour. Car, malgré tous les drames et toutes les injustices contenus dans ce petit livre, une vérité magnifique sourd : l’amour est plus fort que l’institution, même s’il faut parfois attendre plusieurs années pour obtenir un heureux dénouement aux errances des dossiers…

 

ASE et Psychanalyse, les ennemis des parents

 

L’ASE, Aide Sociale à l’Enfance, se bat pour le bienêtre des enfants. Ceci est bien. Mais comme cette institution ne comprend pas les comportements autistiques, et qu’elle est rétrograde et parfaitement opaque dans son fonctionnement, elle va décider le plus souvent que les difficultés des enfants relèvent.. d’une faute des parents ! Ainsi, nombre de parents se voient retirer la garde de leurs enfants, sans beaucoup de ménagement (Sophie Janois raconte qu’une cliente a vue la gendarmerie débarquer un matin pour lui arracher des bras ses enfants…), lesquels sont ensuite placés en famille d’accueil ou en centre. Parfois, les fratries sont séparées (à leur détriment et contrairement aux Lois). Alors un long combat commence, pour les parents, qui doivent tout justifier alors que l’ASE peut simplement dire que l’enfant va mal à cause de la mère trop aimante étouffante, qui a fait un transfert…

Quant à la psychanalyse, elle est quasiment sanctifiée en France. C’est son ultime bastion ! Et si la cause des autistes est mal connue, alors on va chercher dans la relation mère-enfant de quoi « nourrir » les troubles manifestes. Mais comme toute institution, il est rare que les spécialistes se dédisent, et leurs diagnostics erronés se propagent dans les dossiers de l’ASE, et devant les juges, et les parents deviennent les responsables de l’état de leurs enfants !

Au travers des histoires que nous présente Sophie Janois, souvent très drôles et touchants, on comprend combien tout ce qui a été institutionnalisé pour le bien des enfants peine à entendre les parents, et se complait dans une rigueur malsaine où l’institution sait mieux que la mère aimante ce qui est bien pour son enfant ! Et la France, en la matière, se montre d’un tel retard qu’on en vient à se demander si le bien-être de l’enfant est simplement considéré ou si le modèle des centres d’internement du XIXe siècle ne prévaut pas toujours. Au lieu d’ouvrir la société aux autistes, on la leur ferme, ce qui crée des comportements de grand stress et d’immense désarroi, avec régression et enferment au fond de soi ou violence, ce qui fera dire aux institutions qu’elles avaient bien vu juste et bien raison de protéger la société de tels « malades »…

 

Au début, on se demande pourquoi Sophie Janois parle d’elle. Puis on comprend à lire cet incroyable témoignage combien elle s’efface, sa vie même et celle de ses propres enfants, derrière son sacerdoce, sa mission : défendre les personnes autistes, toujours se battre pour que leurs droits fondamentaux soient reconnus et respectés. Son travail d’avocate spécialisée consiste aussi bien à accompagner les familles qu’à à informer à l’occasion de conférences ou de rencontres.

C’est un combat contre l’institution, contre les juges qui se fient aux institutions, contre la société, contre les écoles qui déscolarisent les enfants… Un combat que mène, au bénéfice des familles et des associations, Sophie Janois. Son acharnement est admirable, sa foi est belle, son récit est bouleversant.

Être parent d’enfant autiste, c’est montrer toutes les ressources infinies de l’amour.

 

Loïc Di Stefano

 

Sophie Janois, La Cause des autistes, Payot, février 2018, 140 pages, 15 euros

 

Pour en savoir plus sur le travail d’avocate de Sophie Janois, on se reportera à son site et aux pages dédiées à l’autisme.

 

 

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