La guerre de succession de France, Henri IV devait-il être roi ?

On a déjà lu Fadi El Hage, spécialiste d’histoire moderne et auteur de La guerre de succession d’Autriche (Economica, 2017) et du Sabordage de la noblesse (Passés composés, 2019), deux excellents ouvrages. Il se penche ici sur les conditions de l’accession au pouvoir d’Henri IV à la fin du XVIe siècle en pleine guerre civile. Une accession qui selon lui n’allait pas forcément de soi.

L’effondrement des Valois et la prolifération des conflits

Cet ouvrage salutaire permet d’éviter toute envie ou velléité d’une démarche téléologique : les dés n’étaient pas jetés en faveur d’Henri IV. Plonger dans la France du second XVIe siècle permet de voir combien plusieurs crises se sont enchevêtrées. Il y a bien sûr la crise religieuse avec le développement du protestantisme qui avait poussé Henri II à mettre fin au conflit avec l’Espagne avec la paix du Cateau-Cambrésis. La crise dynastique ouverte par la mort précoce d’Henri II et la succession de ses fils sur le trône, qui s’aggrave du fait qu’aucun n’a de descendance (à part Charles IX, qui a eu une fille plus un fils légitime : que serait-il arrivé s’il avait survécu ?). Une crise politique enfin, liée aux deux autres avec la contestation d’Henri III, roi de plus en plus affaibli face au clan des Guise et à la Ligue, et dont le seul héritier légitime est Henri de Navarre. Légitime… Vraiment ?

Relire le passé

Ce n’est pas la première fois qu’il y a une crise dynastique en France. Fadi El Hage rappelle bien des précédents, comme la prise de pouvoir d’Hugues Capet, élu par les barons, ou la transmission de la couronne des capétiens aux Valois en 1328, avec le prétexte de la loi salique pour écarter le roi d’Angleterre. À chaque fois, il y a une légitimité qui doit se construire. Et c’est là qu’Henri de Navarre révèle, malgré des erreurs, une véritable intelligence politique. Il va savoir monnayer sa conversion, comprendre que des victoires militaires ne changeront rien, qu’il faut négocier. Et ce souverain y réussit. Il arrive même à se dépêtrer d’une guerre déclarée à l’Espagne, qu’il a conduit au début avec une certaine légèreté… Il fonde ainsi une nouvelle dynastie qui va se maintenir jusqu’en 1789 et certains de ses descendants n’auront pas, loin s’en faut, ses capacités… Fadi El Hage n’hésite pas non plus à faire le parallèle avec d’autres situations, comme celle de de Gaulle en mai 68 (il ne faut pas, comme Henri III en 1588, se laisser enfermer dans Paris). Il est clair en tout cas qu’Henri IV avait gagné sa couronne au forceps !

Excellent ouvrage qu’on ne peut que recommander.

Sylvain Bonnet

Fadi El Hage, La guerre de succession de France, préface de Bernard Barbiche, Passés composés, mars 2023, 381 pages, 23,50 euros

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