Isabeau de Bavière, l’histoire d’une haine

Un sujet largement méconnu

Épouse de Charles VI et mère de Charles VII, Isabeau de Bavière fut surtout l’objet d’une haine rarement égalée. Elle a déjà eu ses biographes qui ont rectifié son image. L’objet du livre de Christine Rérat-Maintigneux, tiré d’un mémoire qu’elle a rédigé sous la direction d’Alain Corbin (qui signe la préface), est de raconter comment cette reine est devenue dans les manuels d’histoire de France, ce jusqu’aux années soixante, le symbole de la traitrise féminine.

Mauvaise reine, mauvaise mère…

Isabeau de Bavière fut l’épouse d’un roi fou, Charles VI, dont elle subit les violences lors de ses crises. C’est un siècle après sa mort, en pleine renaissance puis durant les guerres de religion que se développe sa légende noire. On l’accuse d’avoir eu des amants (dont le propre frère du Roi, Louis d’Orléans), de s’être mêlé de politique, d’avoir accumulé des richesses et surtout d’avoir fait signer le traité de Troyes à son mari et d’avoir déshérité son fils, Charles VII. Heureusement, tout fut remis en place grâce à l’intervention de Jeanne d’Arc. Voilà en gros les axes d’une légende noire qui sera reprise telle quelle aux XIXe et XXe siècles, dans la littérature, au théâtre et bientôt à l’école. Pourquoi ?

L’anti-héroïne des manuels

C’est l’époque du grand roman national et de la généralisation progressive de l’école pour tous. La vraie Isabeau compte finalement assez peu. Cette histoire proposée par les historiens du XVIe et reprise par les manuels vise à stimuler le patriotisme. Isabeau est une étrangère, une bavaroise donc une allemande qui n’hésite pas à livrer le royaume à la perfide Albion, pas une vraie française. Ensuite, elle est tout ce qu’une femme ne doit pas être : école publique et école catholique partagent la même morale et cherchent ici à donner un contre-exemple aux jeunes écolières. Et ça marche encore car les stéréotypes attachés à sa figure perdurent.

Excellent essai.

Sylvain Bonnet

Christine Rérat-Maintigneux, Isabeau de Bavière : Reine la plus exécrée de France, Préface d’Alain Corbin, Fayard, mars 2023, 208 pages, 21,50 euros

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