La police des lumières, surveiller Paris
Historien de la police urbaine
Maître de conférences en Histoire moderne à l’université Paul Valéry-Montpellier 3, Nicolas Vidoni travaille sur l’histoire des polices et l’histoire politique urbaine. Ici, il propose avec La Police des lumières un essai sur la naissance de la police à Paris, en étudiant bien sûr la lieutenance générale police, ancêtre de la préfecture de police de Paris. Il essaie de comprendre comment une institution de la monarchie s’est concilié la population et a aussi évolué en fonction d’elle.
Une police au sens large
D’abord, il s’agit de faire un peu de sémantique. La notion de « police » recoupe le maintien de l’ordre mais aussi la propreté des rues, l’éclairage public, la numérotation des maisons, la connaissance de l’espace urbain. Une notion protéiforme donc, en accord avec la définition du mot grec « polis », rapporté à une ville dont la population est évalué à un demi-million de personnes, la plus peuplée d’Europe à l’époque. Et cette ville fait peur, les élites se souvenant de la Fronde ou des émeutes de la Ligue.
La lieutenance de police en action
Nicolas Vidoni démontre très bien comment le lieutenant de police, créé par Colbert en 1667, doit faire face à des tâches immenses. Il a peu d’effectifs, doit s’appuyer sur les bourgeois de Paris, traditionnellement chargés du maintien de l’ordre et composer avec une population souvent rétive. Peu à peu, la fonction s’étoffe, des hommes talentueux comme La Reynie ou d’Argenson occupent l’office. Par souci de salubrité publique, les cimetières sont déplacés à l’extérieur de la ville (les hommes de l’époque sont obsédés par la purification de l’air et la mort est vue comme une source de « pollution »). Les différents lieutenants obligent les parisiens à balayer les rues, passent des marchés (ancêtre de nos marchés publics) avec des entrepreneurs pour nettoyer les rues des immondices. Finalement nos préoccupations actuelles étaient déjà celles des hommes du XVIIIe siècle.
Une institution honnie
Pourtant, les lieutenants de police disparaîtront avec la Révolution. Ils sont vus comme des symboles de l’arbitraire royal, exécutent les lettres de cachet du souverain et entretiennent des réseaux de mouchards (ou « mouches » comme on dit à l’époque) parmi le peuple parisien. Leurs méthodes de répression apparaissent dépassées au temps des lumières dont ils ont pourtant subi l’influence. Cela n’empêchera pas Napoléon et Fouché de s’inspirer de cette institution d’Ancien Régime pour créer la préfecture de police de Paris : c’est déjà une autre histoire…
Sylvain Bonnet
Nicolas Vidoni, La Police des lumières, Perrin, avril 2018, 400 pages, 24 euros