Jeanne du Barry, la dernière favorite de Louis XV
Un historien majeur
Doit-on encore présenter Emmanuel de Waresquiel, auteur de biographies qui ont renouvelé la recherche autour de personnages clefs de l’histoire du Premier Empire comme Talleyrand (Fayard, 2003) ou Fouché (Tallandier, 2014) ? on lui doit aussi un ouvrage sur le procès de Marie-Antoinette, Juger la Reine (Tallandier,) et les débuts de la Révolution, Sept jours (Tallandier), aussi remarquables. Ici, il a choisi de s’intéresser à une figure très célèbre, souvent brocardée, Jeanne du Barry, ultime favorite de Louis XV.
Une femme de rien ?
C’est ainsi qu’on a longtemps présenté la future comtesse du Barry, Jeanne Bécu. En historien professionnel, Waresquiel a travaillé sur les sources, toutes les sources. Il en ressort plusieurs choses. Jeanne était probablement une bâtarde d’un fermier général, Billard-Dumonceau. Au XVIIIe siècle, contrairement à l’époque de Louis XIV, on a honte désormais de la bâtardise et des enfants illégitimes. Alors la petite fille est cachée, sa mère mariée. Jeanne sera placée chez des religieuses (!) qui feront son éducation. Elle ne sort donc pas de nulle part avant sa rencontre avec le Roi. Ce n’est pas non plus la prostituée avide de sexe comme ses contempteurs ont voulu la peindre. Gracieuse, très belle, Jeanne s’est cherché des amants et des protecteurs, comme Jean du Barry (dont elle épousera le frère plus tard pour sauver les apparences), tout en cachant la fille qu’elle avait eue. Et puis il y a Louis XV.
Et s’ils s’étaient simplement aimés ?
Cela fait deux siècles que la liaison entre Louis XV et Jeanne du Barry fait couler de l’encre et du fiel. Quand il la rencontre, Louis XV est veuf et approche les soixante ans. S’il a encore belle allure, il n’est plus le bien aimé et doit affronter des parlements hostiles et une noblesse rétive, sans compter son ministre, Choiseul, dont il se méfie souvent. Sans doute Jeanne Bécu a-t-elle voulu lui plaire. En tout cas, Louis XV a une véritable passion pour elle, peut-être partagé. Ce sont deux personnes seules, doubles, très croyantes. Sans doute lui a-t-elle apporté de la fantaisie, sans doute l’a-t-elle amusé comme les jolies femmes savent le faire à cette époque ? Au mépris du scandale, en ignorant l’hostilité de ses filles et du jeune dauphin (sans compter Marie-Antoinette), Louis XV s’est affiché avec la plus belle femme du moment et il l’a fait comtesse.
Une influence politique ?
Liée à des hommes comme le maréchal de Richelieu et le chancelier de Maupéou, Jeanne du Barry était sans doute hostile aux parlements et aussi à Choiseul (ce dernier l’ayant vite pris en grippe). Mais elle n’a pas inspiré le renvoi de ce dernier ou la dissolution du parlement. Elle l’a accompagné plus que provoqué. Par contre, Emmanuel de Waresquiel la crédite d’avoir inspiré les arts et d’avoir mené une véritable politique culturelle. Pourquoi pas ? Par contre, sans le savoir, elle a contribué à la lente désacralisation du corps du monarque et par conséquent de la monarchie absolue. La politique de Louis XV, qui ambitionnait la fin de la vénalité des offices et une réforme fiscale, aurait-elle pu éviter la tourmente révolutionnaire ? On ne le saura jamais, il meurt en 1774 et le pataud Louis XVI monte sur le trône en annulant les réformes de son grand-père. Cet indécis n’hésite pas par contre à exiler la dernière favorite…
Jeanne du Barry continuera de vivre et d’aimer. Et terminera, de manière très injuste, sous la guillotine. Cette biographie lui rend un peu de sa vérité.
Sylvain Bonnet
Emmanuel de Waresquiel, Jeanne du Barry, Tallandier, août 2023, 592 pages, 27,90 €