La Science-Fiction, ses chefs-d’oeuvre : le point POP fait son numéro !

Le Point POP fait son numéro : les chefs-d’oeuvre de la Science-Fiction !

 

Le quatrième opus des hors-séries de la revue Point POP est sorti : Les Chefs d’oeuvre de la Science-Fiction ! On l’attendait avec impatience ! Car les maîtres ès Pop Culture du site éponyme sont devenus, en quatre numéros, des incontournables de nos genres préférés. Après le Seigneur des Anneaux, Harry Potter et Disney, au tour de la Science-Fiction. La fenêtre de tir était parfaite pour son lancement : au moment où la grande messe francophone vient d’avoir lieu à Nantes. Les Utopiales, festival international de Science-Fiction au centre des congrés de la ville, a réuni le ban et l’arrière ban de ce qui se fait de mieux dans les univers sciences-fictifs du 31 octobre au 5 novembre. Moment idéal pour ce numéro pépitissime.

108 pages, couvertures comprises, riches de textes et d’iconographies ad hoc (les superbes illustrations de Théo Guignard ! La double page centrale pulps). C’est l’ensemble de l’Histoire moderne de la Science-Fiction qui est abordé.

 

Jules Verne (par Nadar)

 

Un Voyage dans le temps

Le parti pris chronologique est la meilleure approche. On préfère effectivement le mode voyage dans le temps à une présentation encyclopédique et alphabétique. Elle aurait rebuté les néophytes. Donc, l’entrée est réservée à un bel hommage aux figures tutélaires et gémellaires que sont le duo fondateur Jules Verne et Herbert G. Wells. Tels les Romulus et Rémus de la rome antique, c’est bien à eux que la Science-Fiction s’est abreuvée pour irriguer le genre. Même si une femme, Mary Shelley est pour beaucoup dans la modernisation des items fantastiques en autre chose de plus prospectif…

Ensuite, Orwell et Huxley sont mis en parallèle. Pour comprendre les propriétés visionnaires d’une Science-Fiction qui baigne dans son contexte civilisationnel : dictatures et eugénisme, pouvoir ostracisant et individus étiquetés.

 

Isaac Asimov

 

L’âge d’or de la Science-Fiction : Asimov & Bradbury

Aussi, on se régalera avec les excellents zooms sur les écrivains suivants. Car les dossiers se succèdent dans cette revue spéciale, sans lasser un iota et à la vitesse lumière. Deux grands maîtres de l’âge d’or sont ainsi honorés.

Asimov est abordé par le cycle Fondation et sa célèbre psycho-histoire. Judicieuse idée ! Mieux que sa série robotique, nouveau paradigme des contempteurs de l’IA, l’Histoire, science humaniste et sociétale par excellence lui a inspiré ses idées de chute et de renaissance (Gibbon en figure totémique), autour des personae de Seldon et du Mulet.  Une meilleure vision du futur de l’humanité. Sans passé pas d’avenir !

Ray Bradbury, son souffle lyrique et sa prose poétique, est parfaitement mis en perspective. De Mars avec ses chroniques martiennes, au futur dystopique de Fahrenheit 451, l’œil acéré de Ray est expliqué avec force détails, dont un focus cinématographique révélateur. Il avait plus qu’on ne l’imagine, un regard critique sur la société occidentale. Et une lecture en mode pamphlet de ses textes est une excellente idée !

 

un vers, emblématique du monde de Dune

 

Par l’épice, pour le Duc ! La galaxie Dune !

Ensuite, avec Lawrence d’Harrakis (sic ! ), c’est LE choc Dune de Frank Herbert. On observe là le passage à un âge d’ouverture tous azimuts de la Science-Fiction. Spiritualité et religion, sciences politiques et ethnologie, sont tous aussi interessants pour la structure de la pensée romanesque conjecturale, que les hard science et l’aventure en mode space opera. Souffle épique incroyable, planet opera unique, on espère que le prochain projet d’adaptation de Dune par Villeneuve sera à la hauteur  de cette saga ! Il  faut lire aussi l’encart ciné avec le projet avorté et mythique de Jodorowsky !

La New-wave ouvrira des perspectives incroyables dans lesquelles s’engouffreront la génération suivante.

 

Ursula Le Guin

 

Ursula Le Guin et l’Ekumen : un hommage !

Selon moi, la grande réussite du numéro est le dossier profus consacré à Madame Ursula K. Le Guin, disparue en début d’année. Avec ce focus sur son chef-d’oeuvre La Main gauche la nuit, odyssée ethnographique dans un monde doublement étranger. Etranger par son ailleurs imaginé, polaire (l’influence de L’Odyssée de l’endurance de Shackleton est revendiquée ) et lointain même pour l’Ekumen. Car l’auteure a su dépeindre une société pangalactique, dans un superbe cycle déconstruit. Cela lui valut prix, succès critique et gloire littéraire mérités. Quoique tardif pour cette dernière, de la part de l’intelligensia mainstream. Etranger par sa société autre à nos mœurs (le genre neutre comme centre de la société), à des écritures conjecturales, plutôt masculinistes et scientifiquement rigoristes. Bref un souffle nouveau, modèle de beaucoup d’autres explorateurs d’une Science-Fiction plus spéculative, humaniste et sociale que techniste.

 

René Barjavel

 

Pourquoi il faut lire La Nuit des temps

L’autre brillante idée, est la présence d’un gros dossier sur René Barjavel et particulièrement sur la modernité de La Nuit des temps. Paru au printemps 1968, il sera un succès réel et rare (hormis La Planète des singes de Pierre Boulle) de la Science-Fiction française, par la pertinence de ses idées. Danger nucléaire dans un monde bipolaire, exacerbé par la lutte pour l’espace, vision de la place de l’humanité dans l’écosystème, questionnement sur les équilibres sexués de la société ! Excusez du peu ! Avec Le Grand secret et le controversé Ravage, Barjavel reste l’un de nos maîtres incontestés et incontestables.

 

Philip K Dick

 

Apothéose finale et renouvellement

Un hic cependant. Le tir groupé qui suit, certes magistral, est par contre vraiment trop succin : Philip K. Dick et Blade Runner, William Gibson et le cyberpunk ! Ils auraient mérité plus long !

Dan Simmons et le cycle d’Hypérion (une autre référence absolue de cet auteur est citée dans un encart bienvenu sur les pépites oubliées : Les Larmes d’Icare !) ainsi que Orson Scott Card et celui d‘Ender, heureusement, se voient copieusement développés. On admire alors une Science-Fiction des années 80/90 devenue ambitieuse et très écrite. Ne négligeant plus aucunes pistes, ne s’interdisant plus aucuns styles. Revendiquant le plaisir de l’histoire ET l’ambition des idées.

 

Alain Damasio

 

Damasio & Bordage : une cartographie du futur

Dans la la partie finale, le futur de la Science-Fiction, deux entretiens clôturent l’ouvrage.

Alain Damasio et Pierre Bordage, deux figures de la Science-Fiction francophone y vont de leur vision du futur du genre. Une vigie, sentinelle de nos devenirs, ancrée dans nos présents pour Damasio, un modèle imaginaire subversif et divertissant, à l’avenir forcément perpétuel pour Bordage.

Une carte du monde d’une internationale de la néo SF est là aussi pour nous dire que, de l’Afrique à la Chine, de la Russie à l’Australie (Greg Egan n’apparaît que dans cette partie là!), le futur de la Science-Fiction est assuré : omniprésent et en expansion permanente. Ailleurs et demain !

 

Ayerdhal

Billevesées et clapping mérité

Evidemment, en étant taquin et primesautier en diable, on peut reprocher à ce hors-série quelques facheux oublis. Van Vogt, Lovecraft, Sturgeon (un tout petit accessit), Egan & Ballard. Des raccourcis comme Dick, des survols malheureux comme la Science-Fiction francophone et ses belles voix  : Elisabeth Vonarburg, Ayerdhal, Lehman, ou des plus anciens comme Jeury ou Curval.

Et la BD, les séries, le gaming… Mais gageons que ce n’est que partie remise pour des numéros plus spécifiques.

Donc, ce serait être bégueule, que de ne pas applaudir des deux mains et des tentacules en mode BEM’s, à ce tour de force d’être passionnant de bout en bout. De pouvoir, en si peu de pages et à vil prix, satisfaire aux goûts des amateurs éclairés, des experts pusillanimes comme des néophytes et autre curieux.

Comme disait Antoine de Saint Exupéry  « l’avenir n’est jamais que du présent à mettre en ordre. Tu n’as pas à le prévoir mais à le permettre. »

Mais on peut lui préférer Woody Allen « je m’intéresse beaucoup à l’avenir, car c’est là que j’ai décidé de passer le reste de mes jours. »

 

Marc-Olivier Amblard

Point-Pop hors série Les chefs-d’œuvre de la science fiction, 106pages, 7,90 euros

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