Bouvines, une France en gestation

Auteur d’une biographie plutôt réussie de Napoléon III (François-Xavier de Guibert, 2010) et d’une Histoire des révolutions en France (Editions du Cerf, 2018), Gaël Nofri, contributeur régulier au Figaro, fait paraître ces jours-ci un essai sur la bataille de Bouvines, autrefois très bien analysée dans un ouvrage de grande érudition de l’historien Dominique Barthélémy paru en 2018 chez Perrin.

Un royaume en construction

Il n’empêche que l’ouvrage de Gaël Nofri, écrit avec clarté et précision, a le mérite de replacer cette bataille dans le temps long de la dynastie capétienne et de sa lutte contre les grands féodaux. Et au premier rang de ces féodaux, on trouve le roi d’Angleterre, issu de la dynastie des Plantagenêts. Or Philippe II, dit Auguste, a eu beaucoup maille à partir avec eux. Il a fait face d’abord à Richard Cœur de Lion, partenaire de croisade et bientôt ennemi. Contre lui, le roi de France a essuyé nombre de défaites mais Richard meurt précocement, laissant la place à son frère Jean sans Terre qui multiplie les erreurs dont celle d’assassiner son neveu, Arthur, futur duc de Bretagne. Philippe en profite pour confisquer ses biens, avec succès mais Jean monte une coalition contre son adversaire. C’est celle de Bouvines comprenant l’empereur Othon IV, le comte Ferrand de Flandres et Renaud de Dammartin, ex familier du roi de France. Et Jean sans terre débarque lui dans le Sud-Ouest : le royaume est attaqué sur deux fronts, sa souveraineté mise en péril.

Un évènement décisif

Or, Philippe Auguste va contre attente l’emporter. Son fils Louis occupe les Anglais tandis que son père va affronter les coalisés avec ses chevaliers et les milices communales (au rôle moins décisif qu’on ne l’a longtemps cru) : et lors de la mêlée les français tiennent face au choc. Leur moral est meilleur tandis que celui des autres fléchit : c’est la débandade. Ferrand et Renaud sont capturés, l’empereur s’enfuit (et va faire face à une situation difficile dans le Saint Empire). En Angleterre, Jean va faire face à la rébellion de ses barons et in fine devoir concéder la grande Charte.

Pour Gaël Nofri, Bouvines marque la naissance d’un imaginaire national cultivé autour du Roi de France. C’est son avis, d’autres historiens situent cette naissance plutôt pendant la guerre de cent ans (et c’est aussi ce que je pense). Une bonne synthèse en tout cas pour ceux, nombreux, qui ne savent même pas ce que Bouvines signifie…

Sylvain Bonnet

Gaël Nofri, Bouvines, Passés composés, avril 2024, 250 pages, 19 euros

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