Lasciate ogne speranza ?,à propos de l’usage du verbe espérer

Le verbe espérer désigne en français une attente positive, mais il convient de se souvenir qu’en latin, sperare, dont il est directement issu, pouvait être autant négatif que positif (s’attendre à). Ainsi, quand le regretté Cicéron disait à son auditoire :

Haec satis spero vobis molesta videri

il ne faisait pas preuve de sadisme en souhaitant de tout son cœur que les choses qu’il évoquait paraissent pénibles à son auditoire. Bien au contraire, il le craignait.

Certes, redisons-le, espérer en français a perdu cette neutralité — depuis le début du XIIe siècle. Mais retenons du latin que si l’attente pouvait s’orienter dans les deux sens, c’est parce qu’on avait, dans un cas comme dans l’autre, une idée assez précise de ce qui allait arriver. D’où une construction avec l’indicatif : J’espère qu’il viendra.

Histoire ancienne. Aujourd’hui, il faut être bien naïf pour faire des prédictions  et le pessimisme ambiant impose de dire (écoutez, par exemple, les économistes) : Espérons que l’inflation ne prenne pas des proportions démesurées. Exactement comme on dit : Souhaitons que l’inflation ne prenne pas des proportions démesurées.

Cette confusion entre le souhait et l’espoir est bien regrettable. Elle semble impliquer que nous ne pouvons plus prendre en main notre destin et devons nous contenter d’adresser des prières à on ne sait trop quelle divinité, en espérant qu’elle les entendra — pardon, soyons moderne, qu’elle les entende !

FAL

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