Le passé imposé, une critique des dérives postcoloniales
Un historien réputé
Titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe et donc spécialiste de l’Orient (notion sujette à débat), Henry Laurens nous a donné de nombreux ouvrages souvent passionnants et parfois polémiques, comme par exemple L’expédition d’Égypte (Armand Colin, 1989) ou La question de Palestine (Fayard, 1999-2015). Il a ici choisi de nous donner un essai sur les enjeux de notre rapport au passé à travers l’étude croisée de l’occidentalisme et de l’orientalisme, Le passé imposé.
De l’histoire comme enquête
Spectateur de beaucoup de débats contemporaines, Henry Laurens consacre le début de cet essai à rappeler combien l’historien doit être modeste. Il insiste ainsi sur le fait que les historiens ne sont pas maîtres de la représentation du passé, une représentation qui évolue d’ailleurs selon les époques et la position occupée par l’historien. Et c’est vrai. Le récit historique varie selon les époques dans les interprétations qu’il propose : rien de nouveau. Laurens dit aussi son admiration pour Paul Veyne, qu’il en soit remercié.
La suite de l’ouvrage se révèle décapante.
Un historien désabusé
Notre historien s’attaque ensuite à une étude combinée de l’occidentalisme et de l’orientalisme. Il attaque au passage les travaux d’Edward Saïd (Laurens ne va pas se faire des amis), qu’il juge trop superficiel dans sa lecture de l’orientalisme. Il y repère aussi les premières traces de ce qu’il appelle « l’affirmation victimaire ». Laurens se montre ensuite un critique acerbe du mouvement postcolonial et de sa relecture de l’histoire « occidentale ». Il ne s’agit pas pour lui de renier le passé colonial mais de stigmatiser la lecture partiale, orientée et aussi assez superficielle qu’on en fait. L’auteur de ces lignes doit avouer avoir savouré ces passages.
Au final Le passé imposé est un essai réfléchi, parfois abscons mais toujours passionnant. À lire
Sylvain Bonnet
Henry Laurens, Le passé imposé, Fayard, mai 2022, 256 pages, 20,90 euros