Simone Veil, une femme française

Docteure en histoire contemporaine et spécialiste de l’Europe, Laurène Vernet publie ici sa première biographie consacrée à une femme d’exception, Simone Veil, décédée en 2017 et entrée depuis au Panthéon. Si on connaît bien certains épisodes de sa vie, la femme, elle, a gardé jusqu’au bout sa part de mystère. Cette biographie la perce-t-elle à jour ?

Enfant de la guerre et de la Shoah

De fait, on ne peut comprendre Simone Veil, née Jacob, sans prendre en compte ce qu’elle vécut durant la seconde guerre mondiale. Née dans une famille juive (on disait israélite), la jeune fille est élevée dans une famille où la culture joue un grand rôle. Le père, un architecte, suite à des revers de fortune, installe sa famille dans un appartement de Nice. Vient la guerre, la défaite, les lois antijuives, l’occupation… La jeune Simone et sa famille se cachent, ce qui ne l’empêche de poursuivre ses études malgré tout. Mais elle est arrêtée en 1944 et envoyée en Allemagne. À Auschwitz. On lui conseille de mentir sur son âge, ce qui lui épargne peut-être d’être gazée dès son arrivée. Avec sa mère et sa sœur Madeleine, elles voient alors le pire de l’humanité. Elles endurent aussi les longues marches de l’hiver 1945 où les nazis fuient l’avancée de l’armée rouge. Elles finissent par échouer à Bergen-Belsen où sa mère meurt du typhus. Simone et sa sœur survivront. Seules car elles découvrent à leur retour que leur père et leur frère Jean sont morts. La future Simone Veil est donc une survivante. Elle a aussi certainement découvert en elle une énergie qu’elle ne soupçonnait pas. Et elle va vivre, aimer aussi en se mariant après-guerre avec Antoine Veil. Pour autant, elle ne renonce pas à ses études et à faire carrière. Mère de trois enfants, elle sera aussi magistrat, démontrant ainsi qu’une femme peut avoir une vie de famille et une vie professionnelle dans les années cinquante.

La femme d’État

Remarquée des politiques, Simone Veil en impose par son intelligence et sa capacité de travail. Giscard et Chirac (ce dernier aura toujours de l’affection pour elle) la choisissent en 1974 comme ministre de la santé avec un chantier redoutable : faire adopter une loi légalisant l’avortement à une majorité conservatrice. Contre toute attente, souffrant en silence devant certaines injures, elle va réussir à faire adopter la loi qui portera son nom à l’assemblée et au sénat. Laurène Vernet raconte avec brio cet épisode qui fait d’elle une des personnalités politiques préférées des français. Simone Veil sera aussi une européenne convaincue, présidente du parlement européen en 1979 et députée européenne réélue en 1984 et 1989, cette dernière fois en menant une liste centriste avec le jeune François Bayrou comme directeur de campagne : elle le prendra en grippe. Car cette femme a aussi un caractère dur. C’est très bien, c’est la marque des personnages d’exception. Soutien de Balladur en 1994, Simone Veil est finalement nommée au conseil constitutionnel où elle finira sa carrière politique.

Deux fois ministre de la santé, présidente du parlement européen, représentante emblématique du centre-droit, Simone Veil a marqué l’histoire de « ce cher et vieux pays » : cette biographie réussie le lui rend bien.

Sylvain Bonnet

Laurène Vernet, Simone Veil les combats d’une immortelle, Perrin, octobre 2023, 368 pages, 23 euros

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