Le sexe sous l’Empire, secrets d’alcôve

Historien du XIXe siècle 

Spécialiste de l’Empire, Jacques-Olivier Boudon est professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Sorbonne et président de l’Institut Napoléon. On lui doit des recherches importantes sur les aspects religieux de la période, matérialisées par la publication d’ouvrages tel Les Elites religieuses à l’époque de Napoléon (Nouveau monde, 2002) ou Napoléon et les cultes (Fayard, 2002). Récemment, on lui doit un ouvrage fascinant, Le Plancher de Joachim (Belin, 2017) où il analysait des messages, laissés par un homme du XIXe siècle, écrits dans le bois sous un plancher, source inédite pour comprendre la psychologie des hommes du passé. Il revient ici avec un essai au titre éloquent, Le Sexe sous l’Empire

Les secrets de l’intimité 

La révolution, rappelle Jacques-Olivier Boudon, a vu une large partie de la société française se libérer de la morale de l’église catholique en matière de sexualité. De nombreux chercheurs ont souvent prétendu que Napoléon et son régime ont marqué un retour en arrière sur ce plan. Le code civil limite effectivement le divorce et c’est la famille, légitime, qui est mis en avant par les autorités. Pourtant, on est frappés en lisant cet ouvrage par la tolérance du régime napoléonien.

L’homosexualité par exemple n’est pas interdite et il y a peu de poursuites en justice d’homosexuels. L’affaire d’Issoudun montre même des autorités très frileuses en la matière. Et puis l’homosexualité existe dans l’armée. Les militaires ont en effet une vie sexuelle très active, y compris à l’étranger avec des femmes du cru ou des prostituées dans des maisons closes. Quant au viol en temps de guerre, il est interdit par les autorités mais largement toléré. 

La place particulière des femmes 

On sait que Napoléon aimait les femmes et tolérait, parfois avec difficultés, les écarts de ses sœurs Pauline et Caroline. Pour autant, on voit avec ce livre combien il est difficile pour une femme de vivre une sexualité et des mœurs qu’on qualifierait de « libres ». Soit elle est mariée et digne, soit elle est une prostituée. Car le régime napoléonien surveille, encadre ses membres. Ainsi les prostituées sont fichées par la police, idem pour leurs équivalents homosexuels. Pour autant, reste le mystère de l’intime. La déchristianisation est acquise. Mais le contrôle des naissances a commencé à se répandre. Et c’est là que réside une des clefs de la particularité démographique française au XIXe siècle.

Le Sexe sous l’Empire a en tout cas un grand mérite. Il offre une grille de lecture largement méconnue d’une période fondatrice de notre modernité.  

Sylvain Bonnet 

Jacques-Olivier Boudon, Le Sexe sous l’Empire, Vuibert, octobre 2019, 368 pages, 23,90 eur

Laisser un commentaire