Le marquis de Bonnay, un modéré en Révolution

La période révolutionnaire a vu émerger bon nombre de personnalités exceptionnelles dont certaines sont tombées dans l’oubli : c’est le cas du marquis Charles-François de Bonnay, qui fut entre autres un des présidents de l’assemblée constituante les plus importants. François Duluc, professeur à Sciences Po Paris et directeur des services de l’Assemblée nationale, lui consacre ici une biographie dont on va souligner les points les plus importants.

Un garde du corps du Roi qui devient un politique

Issu d’une famille noble du Nivernais qui a connu des revers de fortune, Charles-François de Bonnay est d’abord page de la petite écurie de Louis XV et l’approche quotidiennement puis le voici garde du corps du Roi. Bonnay est un excellent courtisan, fin, parfois drôle qui est apprécié des souverains. C’est lui par exemple qui arrête le cardinal de Rohan lorsque l’affaire du collier éclate : il a la confiance de Louis XVI. Cela ne l’empêche pas d’être un homme des Lumières et aussi d’aimer les femmes. Simple suppléant pour le Nivernais lors des élections pour les états généraux, il devient député à la Constituante en remplacement du comte de Damas.

Le rôle décisif d’un président d’assemblée

Bonnay est vu comme un représentant des « monarchiens », puis des « impartiaux », des royalistes qui désirent réformer le pays et le doter d’une constitution sur le modèle anglais. Dès le début, Bonnay s’impose par son charme personnel et la clarté de ses vues. Président lors des débats sur la rédaction de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il joue un rôle crucial lors de la rédaction des articles sur la justice et la liberté d’opinion, bien plus qu’un Mirabeau (le rôle de ce dernier concerne surtout la rédaction du préambule). Bonnay réussit à être respecté de tous, y compris des jacobins comme Robespierre. Il est à nouveau président le 14 juillet 1790 lors de la fête de la Fédération à côté d’un Louis XVI qui ne sait pas saisir la formidable occasion de devenir le Roi de la Révolution ce jour-là…

Un émigré pas comme les autres

Bonnay est donc un temps un révolutionnaire… qui finit par émigrer. La fuite du Roi à Varennes l’afflige, l’importance grandissante des jacobins aussi. Il remplit quelques missions clandestines pour le compte du futur Louis XVIII, dont il devient très proche et ne reverra la France et sa famille qu’en 1814. Il suit Louis XVIII à chaque étape de son exil et accomplit quelque chose de longtemps ignoré : il contribue à persuader son souverain que le retour à l’ancien régime est impossible et qu’il faudra assumer le passé révolutionnaire et en garder le meilleur. Bonnay, un des pères de la Charte ? Ce n’est pas impossible. Proche du duc de Richelieu, ambassadeur à Copenhague puis à Berlin, Bonnay sert son pays et son roi en cherchant toujours la conciliation.

Cette biographie passionnante lui rend justice.

Sylvain Bonnet

François Duluc, Le Marquis de Bonnay le père oublié de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Passés composés, mai 2022, 416 pages, 23 euros

Laisser un commentaire