Noir comme l’orage, Sonja Delzongle kéraunopathe

Poursuivant une œuvre où les personnages les plus attachants sont enfoncés dans le plus noir du thriller français, Sonja Delzongle quitte l’eau douce du lac de Thanatea pour les côtes atlantiques, où elle sème la mort avec application. Dans les parages magnifiques des îles de l’archipel charentais, Noir comme l’orage promet au lecteur une nuit d’insomnie des plus électriques.

Kéraunopathologie

La kéraunopathologie est la spécialité qui étudie le foudroiement et les lésions occasionnées par la foudre. Et c’est justement la spécialité d’une des victimes retrouvées sur les bord de l’Atlantique, en Ré, sur Oléron, sur l’île Madame, l’île d’Aix… Toutes les victimes attachées à un poteau métallique,  voire en papillote d’aluminium, mortes foudroyées par une nuit d’orage. Et toutes liées par leur histoire propre, comme savants, victimes, passionnés, journalistes, à la puissance des éclairs. Quant à comprendre la nature réel du lien et de la raison qui aurait pu pousser des criminels à l’imagination si féconde à mettre en branle ces mises en scènes macabres, il faudra la sagacité d’un enquêteur acharné pour y parvenir.

C’est le rôle que Sonja Delzongle assigne à son héros, Max Fontaine, capitaine à la SRPJ de La Rochelle, et à son adjoint, sorte de doux géant. Tous les deux vont devoir affronter la hiérarchie, les déchirements à l’intérieur même du commissariats, la puissance d’un potentat local, la jalousie, et la folie. Autant de forces qui vont s’unir pour compliquer l’enquête et malmener Max, le poussant dans ce qu’il a de plus complexe au fond de lui.

Un coup de foudre

L’intrigue de Noir comme l’orage est prenante, d’abord par l’originalité de l’arme du crime, et par le petit milieu très curieux dans lequel le lecteur évolue, celui des fulguré, ceux qui ont survécu à la foudre, avec ou sans séquelles, et parfois même avec de nouvelles dispositions, de nouvelles capacités. Comme si la foudre les avait augmentés de sa propre puissance. Ensuite, l’intrigue tient par la qualité d’une écriture qui impose une chape de noirceur qui petit à petit épuise le lecteur, l’écrasant, l’oppressant : Sonja Delzongle construit mieux que personne une réalité qui n’offre aucun répit. Enfin, l’intrigue tient par la force des personnages, et Max principalement.

Max, on l’apprend assez vite, est transgenre. Il a subit la souffrance d’opérations multiples pour devenir l’homme de la femme qu’il aime plus que sa propre réalité. Et c’est une des clés du roman, cette histoire d’amour. Et c’est sa force, incroyable, belle, presque sauvage, qui conduit Max au-delà de ses propres limites. Ses failles le construisent autant qu’elles le creusent. Et il ira au-delà des limites même de son statut, pour s’enfoncer dans la nasse d’une intrigue incroyable en sachant qu’il pourrait y laisser sa vie mais parce qu’il le doit. C’est vraiment un personnage très attachant, puissant et dune rare humanité.

Une intrigue addictive, des personnages d’une grande et belle richesse, des pistes et des fausses pistes assez pour se perdre, le décor magnifique de l’île d’Oléron — en toute objectivité … — et des alentours : que demander de plus pour un excellent thriller ? Après avoir lu Noir comme l’orage, peut-être hésiterez-vous à arpenter les pourtant si belles plages d’Oléron, d’Aix, de Ré… par une nuit d’orage.

Loïc Di Stefano

Sonja Delzongle, Noir comme l’orage, Fleuve noir, janvier 2024, 560 pages, 22,90 euros

Laisser un commentaire