La France Orange mécanique, la violence quotidienne en France

Préambule de septembre 2019

Toujours d’actualité. Relire ce livre, se rappeler tous les événements qui se sont accumulés depuis. Repenser à la quantité d’ordure qui a été déversée sur Laurent Obertone et son étude inédite en France, rattrapée depuis. Se dire qu’il y a un moment où la France ne pourra plus se contenter de regarder ailleurs. Et que les fascinés par le vivre-ensemble eux-mêmes ne pourront pas échapper à la vérité qui est dans chaque page de La France Orange mécanique, aussi bien que dans les deux tomes de Guérilla. Combien d’affaires à ajouter à ce déjà trop gros livre depuis avril 2015 ? Combien de plus-jamais-ça ? Combien de loups solitaires de déséquilibrés ? Laurent Obertone pourrait faire une révision annuelle, empiler les faits et les vérités, mais combien de temps faudra-t-il pour que ceux-qui-savent osent le dire ? Un grand livre se reconnaît quand son actualité ne se meurt jamais. La France Orange mécanique est un grand livre. Voici ce que j’en disais en 2015, je ne renie pas un mot).

un constat froid et lucide sur l’état de la violence au quotidien en France

Laurent Obertone a réussi le coup de maître, avec son premier livre, d’atteindre à la plus éminente des célébrités : être détesté par la caste des bien-pensants, dont l’ineffable Aymeric Caron, et autres chiens de garde du pays si joli où il ne se passe jamais rien de grave, sinon d’être de droite. Voire, pire, d’extrême-droite ! Et qu’a-t-il fait ? A-t-il tué ? violé ? commis un attentat ? non, il a simplement compilé l’ensemble des informations, les chiens écrasés, les petits faits-divers, de la presse de province (ah !) pour en tirer ses propres conclusions, en un hommage noir à Anthony Burgess : La France orange mécanique est un constat froid et lucide sur l’état de la violence au quotidien en France. Non pas « ressenti », comme veulent le faire croire nombre de politiquement-corrects, mais réellement vécu dans le quotidien des Français. Son malheur, si j’ose dire, a été d’être rattrapé par la politique : il a suffit que Marine le Pen prenne ce livre comme emblème de sa cause, le vante, pour que son auteur soit banni à jamais des médias mainstream. Il lui reste Fdesouche…

Cette nouvelle édition apporte, outre de nouveaux faits et un regard particulier sur « l’affaire Charlie Hebdo », une analyse générale de la réception du livre, comme si son statut de « jeune journaliste de province » permettait à ses détracteurs de l’invectiver et d’insulter son travail en place d’un Eric Zemmour, par exemple, auquel ils n’auraient pas osé s’en prendre. Mais ces-mêmes détracteurs, à part de pompeux discours idéologiques, à part lui servir « extrême droite » comme pire excommunication, n’ont été que des néo-Stal, se gobergeant d’une morale “de gauche” derrière laquelle il est plus facile de distribuer des droits de vie et de mort littéraire, comme Aragon le fit à la Libération, comme d’autre le refirent avec Houellebecq et son magnifique Soumission. Comme si cette nouvelle intelligentsia de journalistes planqués se voilait la face et préférait se goberger d’un entre-soi douillet plutôt que d’admettre la réalité d’un pays où l’on compte (et sans les compter tous) 33 000 crimes et délits par jour… 

Nul n’est sensé ignorer la réalité

Comment cela se traduit-il ? Prenez un Ali Badou, un Aymeric Caron, une Apolline de Malherbe, leur formatage à œillères leur interdit de comprendre qu’on puisse se servir de faits divers de province pour décrire une réalité qui leur échappe, pour n’en avoir jamais été la victime. 

Obertone, accumulant les faits, dresse le portrait d’une France où la justice semble marcher sur la tête. Combien de violents asociaux « connus des services de police » sont actifs et libres de reproduire leurs fantaisies, après vingt, trente, voire plus de « rappel à la loi » ? Combien de femmes ont été violées par un homme qui, à l’heure des faits, devait purger sa peine mais se retrouvait, par le jeu des remises de peine, libre encore ? Tant et tant d’exemples accumulés qui font froid dans le dos et stigmatise une politique de clientélisme par rapport aux criminels, qu’il faut accompagner, plutôt que par rapport aux victimes, qui s’en remettront…  

Obertone appuie notamment sur deux leviers qui font assez mal. Le premier : la police est dans son ensemble consciente du mal et inopérante à inciter la justice à s’appliquer de manière régalienne — telle cité ou tel quartier devenus autant de zone de non-droit —, et doit aussi bien combattre les juges qui libèrent à tout va que les politiques qui les stigmatisent tout en leur retirant leurs effectifs et en leur interdisant de réagir aux coups et insultes, autrement dit en faisant d’eux des défouloir à racailles. Le second : les « honnêtes gens » servent de faire valoir dans leurs « crimes » à une justice qui préfère regarder les morts sur la route que les crimes et délits, car il est plus simple de verbaliser un contrevenant que d’aller chercher dans son repaire tel petit caïd qui aura ses amis avec lui pour caillasser la police, au minimum. Bref, la Justice sensée défendre l’honnête citoyen s’est retournée contre lui… 

« Nous n’avons plus besoin d’incantations. Simplement que le réel soit pris en considération »

La France orange mécanique est une machine bien huilée, très bien écrite et qui avance implacablement ses faits-divers, tisse la réalité d’un pays à contre-courant des analyses de ceux qui ne descendent pas dans les rues. Un pays qui subit l’insécurité et semble s’y vautrer avec délectation, tant ses édiles regardent volontiers ailleurs. Mais un pays où déjà 200 000 lecteurs ont estimés que la réalité quotidienne décrite par Obertone valait bien la leur, leur « sentiment d’insécurité » pouvant être certes effacé d’un revers de main par quelque politique en mal de sensation, mais ne pourra pas leur être arraché. La France orange mécanique est la parole rendu aux petites gens et à leurs souffrances, en pointant les causes de ces souffrances (avec des faits, des chiffres, des dates, des preuves, contrairement à ce qu’un Caron peut encore croire) et en proposant des pistes pour que la France redevienne paisible, ou du moins se se suffise plus de cette gangrène intérieure. 

Le livre choc, l’enquête qui plonge le regard droit dans la souffrance de l’honnête citoyen. Combien encore de victimes de « jeunes », de « défavorablement connus des services de police », de « libérés pour bonne conduite » avant que les politiques n’engagent ce combat ? Et comme le dit Obertone lui-même, malheureusement, il pourrait en écrire un nouveau tome tous les ans…

Loïc Di Stefano

Laurent Obertone, La France orange mécanique, nouvelle édition augmentée, Magnus, juin 2022, 503 pages, 11 eur

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