Histoire du fils de Marie Hélène Lafon

Le jury du Renaudot a décidé de récompenser cette année Marie-Hélène Lafon, qui poursuit depuis vingt ans, sans aucun tapage, une œuvre de romancière assez singulière. Le prix couronne Histoire du fils, petit livre par la taille, mais d’une écriture tellement serrée, qu’il s’en trouve grandi par son intensité. 

Une famille auvergnate à travers le XXe siècle

L’histoire serait aisée à raconter s’il y en avait une, du moins au sens du scénario classique. En fait, Marie-Hélène Lafon conte l’histoire d’une famille auvergnate, dont les membres et descendants traversent à peu près tout le vingtième siècle. Très exactement de 1908 à 2008. En cent ans, il se passe beaucoup de choses, deux guerres majeures d’abord, et puis, en parallèle de la grande Histoire, tous ces petits faits de la vie quotidienne et provinciale, petits secrets, petits bonheurs, petites déchirures… Et par-dessus tout, beaucoup d’amours. 

Ces amours ce sont les personnages principaux du livre. Ils s’appellent Paul, Gabrielle, Hélène, André, Léon, Juliette, Armand, Germaine. Ils sont à Figeac, à Paris, à Aurillac, à Toulouse, et surtout à Chanterelle, le joli nom de la maison de famille, où s’accumulent au fil des décennies, les silences, les joies, les enfances perdues, les petites cousines, les retrouvailles, qui habitent ce livre. 

une histoire de tous les fils

Histoire du fils n’est pas, de ce fait, l’histoire d’un seul fils, même s’il est né de père inconnu, et élevé par sa tante bien plus que par sa mère, et que cela lui confère une place à sa part. Mais c’est en réalité l’histoire de tous les fils, qui constituent les générations successives de la famille, et qui grandissent au milieu de toutes les femmes d’une vie, mère, sœur, tante, épouse, fille. Leur amour, et parfois leur dévouement, nous valent ici des portraits d’une attachante sensibilité. 

Marie Hélène Lafon excelle à dire énormément de choses dans une écriture pourtant concise. Par exemple : « A Venise, au Royal Danieli, où il avait brièvement séjourné à l’automne dernier, avec une femme très belle, il avait pensé à sa chambre de Chanterelle, aux draps lavés brodés repassés apprêtés par sa mère et par sa tante ». Ainsi sont les fils…

On retiendra la belle acuité psychologique de l’auteur, les petites touches impressionnistes, qui suggèrent bien plus qu’elles n’assènent, et l’art d’aller au fond des choses sans se perdre dans les détails. On retiendra enfin le charme et le style tout personnel de cet ouvrage, né d’une belle maitrise de la langue française, et d’un réel pouvoir d’évocation. 

Didier Ters

Marie-Hélène Lafon, Histoire du fils, Buchet Chastel, novembre 2020, 170 pages, 15 eur

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