Guerilla II : Le Temps des Barbares, Laurent Obertone confirme !

Après (préposition, marqueur de la succession et de la postérité)

Guérilla, Le Jour où tout s’embrasa était un direct du droit dont la tête me bourdonne encore. Mais ce n’était pas la fin de l’histoire ! Par un maillage de faits plausibles, Laurent Obertone avait installé un climat propice à l’explosion de la société française, c’est-à-dire qu’il avait poussé un tout petit peu les lignes les plus noires de notre quotidien pour en extrapoler la chute de la civilisation française.

Un petit événement (des policiers qui tirent pour survivre et tuent un jeune de la cité), avait embrasé la banlieue de Paris puis Paris, puis toute la France. Toutes les forces factieuses s’en étaient mêlées, les casseurs et les activités de toutes les causes possibles. Et les djihadistes, qui trouvaient là le moyen d’établir le grand Khalifa de France, en tuant tous les Mais une fois le chaos installé ? Guérilla II, Le Temps des Barbares est la suite immédiate, au jour près, et commence de manière effrayante : un file d’hommes blancs serpente dans les escaliers de la plus haute tour de la cité et, du haut, se jettent dans le vide, sous l’oeil impassible des nouveaux maîtres.

Bienvenue en enfer ! 

Nous ne sommes pas prêts. Nous craignons le sang, la faim, le froid. Nous craignons la solitude, la douleur et les barbares. Et nous craignons la mort. Et tout ça va nous arriver en même temps, de partout à la fois. »

Chaos (nom masc. : désordre grave)

Du Chaos primordial est né le premier homme. Quelle humanité adviendra si le chaos installé dans Guérilla II, Le Temps des Barbares a un terme ? D’ailleurs, l’enchaînement irrépressible de la barbarie peut-elle être freinée ?

Parmi tous ceux qui profitent du chaos pour prospérer, piller, tuer, deux figures émergent. D’un coté, un petit trafiquant devenu dignitaire du Califat nouveau qui règne à présent sur Paris et sa banlieue nord. Il met à mort les kouffars et arme ses fidèles et veut conquérir la rive gauche de Paris, la France, le monde entier ! c’est lui, le nouveau centre de l’ouma. Et sa violence ne se peut assouvir. De l’autre, l’ancien patron de la DGSI, Victor Escard, retranché dans le fort de Vincennes avec ses troupes sur-armées et fidèles, mais rares. L’un prônait le chaos pour l’organiser et détruire ses ennemis, l’autre pour en devenir le Libérateur, De Gaulle version 2.0.

Combien de temps peut tenir un peuple privé de gouvernement, d’électricité, de ressources, d’informations, de chauffage dans un rude hiver ? Combien de mort faut-il empiler pour qu’il soit enfin nécessaire de réagir ? Comment les gens ordinaires vont-ils s’organiser pour survivre, se terrer ou bien s’enfuir ? devenir des moutons ou des loups ? C’est sur cette régression que compte les deux stratèges, chacun avec ses armes et ses ambitions.

Peuple (nom masculin : ensemble des personnes formant une nation)

Entre ces deux figures, un grands nombres de personnages. Un groupe de montagnards réfugiés en république autonome. Douze légionnaires prêts à en découvre pour rétablir l’ordre. Un médecin et une psy en fuite. Une bande de dhjahddistes bourreaux des campagnes. Un jeune couple et leur enfant barricadés dans leur petit pavillon. Autant de destins croisés par lesquels voir le monde tel qu’il est devenu.

On retrouve les survivants du tome I. Aussi bien le vieux colonel un peu réac que son fils Vincent Gite, archétype du soldat solitaire en mission suicide. La psychiatre Eva Lorenzino qui résiste aux faits, comme les autres militant.e.s du très-bien-vivre-ensemble. Les djihâdistes qui font autant de petits Oradour que possible. Tous les autres personnages, avec lesquels on va vivre quelques pages ou plusieurs chapitres, forment le spectre des comportements possibles des survivants.

Plus que des hommes partout livrés à eux-mêmes »

Cette soudaine absolue liberté est comme l’ouverture de la cage aux fauves. Il n’y aura pas de répit, pas de quartier, c’est un vrai retour à la barbarie, qui est, comme le dit Robert E. Howard, le créateur de Conan, « l’état initial de l’espère humaine. »

Déni (nom masc. : refus de prendre en compte une partie des réalités externes)

Le tome I était une charge sans scrupule et avec beaucoup d’humour contre les tenants d’une politique de valorisation absolue des opprimés (tous les non-blancs). Mais il y avait pour eux l’avènement du monde qu’ils espéraient, du monde dont ils étaient la victime volontaire.

Mais quand l’enfer est là, que ceux qu’on a protégé sont devenus nos bourreaux, nous chassent et font de nous leurs esclaves, comment conserver ses convictions ?

La volonté de toujours se flageller résistera-t-elle à un monde où il ne s’agit plus de stigmatiser le mâle blanc mais simplement de survivre ? Que valent les querelles lexicographiques sur la nature des comportements dysfonctionnels quand on massacre au coin de la rue ?

Dystopie (nom fem. : récit de fiction qui décrit un monde utopique sombre)

Laurent Obertone joue avec les pires déviances de la société française (occidentale) contemporaine. Et il y joue en maître ! Et avec un humour très « incorrect » qui ravira ses fans (« Elle s’était mise à parler. Et le journaliste était formel : elle ne devrait pas. Il connaissait par coeur cette bouillie militante, ce jargon d’illuminé. A tout prendre, il préférait le bruit de sa diarrhée. »). Cet humour acide charge aussi ceux qui, dans le chaos, demeure arcboutés sur leurs principes, leurs morales, au point d’exiger un procès pour un voleur ou un accès handicapés dans un base militaire tenue par 10 soldats contre des milliers d’assaillants… Comme si ces gens ne voyaient pas le monde tel qu’il est, et que rien ne pourrait le leur faire comprendre. Et qu’il valait mieux en rire… 

Guérilla II, Le Temps des Barbares est un roman monstrueux. Une dystopie forgée sur les hypothèses les plus noires mais avec un réalisme qui fait froid dans le dos. Et un art d’écrire qui attrape le lecteur à la gorge et ne le lâche plus. C’est diablement efficace, et ne laissera personne dans le ventre mou de la neutralité. C’est un K.O. debout, une expérience de lecture inoubliable.

Guérilla II, Le Temps des Barbares est le monde qu’on ne veut pas voir avenir. C’est le monde Orange mécanique ! Espérons que Laurent Obertone soit un un mauvais oracle…

Loïc Di Stefano

Laurent Obertone, Guérilla II, Le Temps des Barbares, Magnus, 21  eur


Laisser un commentaire