Le dernier livre, un album émouvant en hommage à cet objet si particulier
Et si les Gafam prenaient le pouvoir et le contrôle des habitants de toute la planète après une élection américaine ? Et si nous étions transformés en simples consommateurs et que la forme la plus lire d’accès à la culture, à la réflexion personnelle, à l’intelligence, autrement dit le livre, était bannie ? Et si, donc, les Gafam avaient les pouvoirs de faire en face ce qu’ils font déjà, pour certains, en douce ? C’est le point de départ de la bande dessinée Le Dernier livre, aussi effrayas comme possible que beau comme éloge du livre lui-même.
Abrutir pour gouverner
Dans le but apparemment bienveillant d’unifier le monde et d’en chasser les perversions, les livres sont triés entre ceux qui peuvent être conservés et ceux qui doivent disparaître à jamais (Le Meilleur des Mondes d’Huxley, Lolita de Nabokov, etc.). Dans un même mouvement, les langues mondiales sont supprimées et remplacées par un système simplifié doit d’émojis, d’un accès immédiat, donc plus besoin d’école non plus… Et voilà que les hommes sont définitivement réduits à la fonction consommatrice.
La pandémie mondiale contraint chacun à porter le masque, à limiter les interactions sociales (sauf pour aller au supermarché…) et à se nourrir d’informations anxiogènes déversées en continu par les chaînes de télévisions qu’il est obligatoire de regarder. Les drones contrôles, tout comme les robots « instruisent » les enfants. Et tout le monde porte en quasi permanence un casque VR pour maintenir le conditionnement. Un ordre nouveau conditionne le réel à sa loi mercantile.
La bibliothèque du savoir libre
Les enfants, qui en quelques années ont désappris à lire, à écrire, à penser, son enlevés. La police ne s’en émeut pas le moins du monde.
Et dans le même moment un groupe de résistants s’organise. Cette résistance est un hommage à Bradbury, il s’agit de se cacher, de lire et de transmettre. Mais que peut-elle contre des milices endoctrinées et haineuses ? Que peut l’émotion et l’amour face à la machine et la haine ? Résister ici n’est pas prendre les armes, mais sauver la seule qui puisse sauver le monde, le livre.
De l’amour des livres
Le Dernier livre est d’abord une déclaration d’amour au livre. Il y a un long historique passionné, près d’une dizaine de pages, consacré à l’histoire du livre et à la lecture.
Le Dernier livre est un bel hommage pouvoir des livres, et même s’il s’achève un peu mièvrement, il est d’une vraie belle force. Les dessins de Brice Bingono sont très dynamiques, laissent la place à des incrustations parfaitement ajustées et parfois s’égaient en pleine page.
Loïc Di Stefano
François Durpaire (scénario) et Brice Bingono (dessin), Le Dernier livre, Glenat, novembre 2021, 72 pages, 16,50 euros
Sur ce sujet de la disparition du livre, on pourra lire, outre le classique incontournable Fahrenheint 451 de Ray Bradbury, l’essai de George Steiner Ceux qui brûlent les livres ou regarder le film Le Livre d’Eli.