Dérives, dans les abysses traditionnels japonais

Dérives aurait plutôt dû s’appeler Angoisse dans les eaux limpides japonaises, peut être trop long et trop simple pour montrer la diversité de cette histoire fantastique. Nous retrouvons un métier centenaire voire plus exclusivement féminin déjà dessiné il y a 2 ans par Cécile Becq dans Ama chez Sarbacane. Cette nouvelle histoire est moins poétique mais plus spirituelle et très différente graphiquement.

La mer est fantastique 

Mais mon petit, il faut du courage pour faire ce métier. Les hommes ça ne sert qu’à faire des enfants… ou la guerre !

On vient de proposer à Takeshi Noda, journaliste tokyoïte, un reportage dans un coin reculé du Japon. Quelle meilleure idée pour s’évader de ses sombres pensées ! Assisté ou plutôt enchainé à un apprenti journaliste, il part à l’aventure et n’imagine pas où il va mettre les pieds. Ils posent leurs valises à Wagu dans la baie d’Ago et retrouvent leurs hôtes sur le port d’où les Amas reviennent d’expédition. Ces femmes d’un âge certain sont parmi les dernières résistantes d’un métier incroyable. En effet presque tous les jours elles plongent en apnée à la recherche d’un produit de la mer aussi rare que savoureux, l’ormeau. Ce mollusque dans sa coque n’est pas facile à trouver et de plus en plus rare. En cause, d’autres chasseurs qui eux sont munis de scaphandres et ratissent la baie.

Ces femmes vont ainsi raconter à Takeshi toutes leurs aventures, leurs drames, les chasses aux sorcières et aux trésors, ce qui lui permet lui aussi de faire son introspection de sa vie ici même en parenthèse.

Oseriez-vous boire cette infusion de chaga ?

Tant de mystères à découvrir dans cette bande dessinée à rebondissement. De la simple rencontre d’un métier authentique et fascinant, l’auteur a voulu à la fois démontrer la difficulté de cette passion alimentaire dangereuse et dévoiler les rapports humains d’un groupe de femmes confrontées à la jalousie, à l’évolution du monde et à leurs propres peurs. On imagine — et on le redoute — que personne ne prendra la suite de leur art séculaire et c’est bien dommage.

Alexis BAcci propose donc avec Dérives un ouvrage qu’il a souhaité énigmatique avec une fin sans aucun doute inattendue. Il a puisé dans l’imaginaire fantastique japonais en y inscrivant des démons et certainement un peu les siens !

Nous retrouvons pour son personnage principal, les traits de Takeshi qui ressemble à la BD le Tueur de Matz et Jacamon, peut être un clin d’œil ? L’auteur apporte aux pages de belles tonalités bicolores en changeant de registres au cours de l’avancement du récit. Dérives est bel album qui nous fait voyager, qui nous immerge en apnée dans les méandres de nos pensées et de nos propres fantasmes.

Xavier de la Verrie

Alexis Bacci, Dérives, Glénat, mars 2022, 232 pages, 29 eur

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