Le smartphone et le balayeur, un strip reportage étonnant
Lâchez votre smartphone pour une fois !
Emmanuel Guibert ne cessera pas de nous étonner, voici encore un ovni sortit des cellules grises de ce grand créateur. Dans le smartphone et le balayeur vous ne retrouverez rien de comparable avec Le photographe, ou La Guerre d’Alan. Vous retrouverez par contre l’humour décalé d’Ariol et c’est bien son intention, celle de nous amuser.
nez à nez avec un smartphone
J’ai été fabriqué très loin d’ici, dans un endroit pas reluisant. C’est marrant ça, moi aussi.
Voici notre balayeur qui pendant sa tournée de quartier habituel tombe nez à nez avec un smartphone sur le trottoir. Le balayeur veut ramasser l’objet perdu mais ce dernier parle et lui interdit de le faire. Il ne veut plus être touché. S’engage une conversation entre ces deux-là, oui, vous avez bien entendu. Pendant des heures ils vont se tenir compagnie et se parler. Voilà ce qui va s’apparenter à une thérapie pour l’un comme pour l’autre. Chaque page révèle une suite ou un nouvel épisode qui va conduire à les rapprocher et se délivrer des confidences.
Mais le téléphone vit, il vibre, il sonne, il s’éteint et là, c’est le drame. Par chance le code secret correspond à la date d’anniversaire de sa mère. Et leur histoire continue…
Une parenthèse de création plus humaine qu’il n’y parait.
Le public adulte, davantage adepte de faire mumuse avec son smartphone que de balayer le trottoir de sa maison, sera intéressé à juste titre. Ça aura au moins l’avantage de l’éloigner de son joujou pendant une heure.
Voici un strip reportage ou micro-trottoir d’Emmanuel Guibert qui nous a bien fait sourire. Tout est étonnant d’une part la construction des pages. A gauche une photo de rue, centrée en vignette ou il a dessiné le balayeur accompagné de son chariot. Lui fait face une page qui narre chaque épisode aussi loufoque que drôle. Les liens se tissent entre la machine et le balayeur ce qui nous renvoie vers les rapports qui peuvent exister entre nous et la machine.
Une portée philosophique évidente que l’auteur a imaginée. Nous montrer combien notre addiction nous isole, nous rend névrotique et nous désocialise. Mais comme tout est brillamment tourné à la dérision, on se sent concerné mais pas agressé. Ouf notre honneur est sauf !
Xavier de la Verrie
Emmanuel Guibert, Le Smartphone et le balayeur, Les Arenes BD, janvier 2021, 104 pages, 20 eur