Le temps des gens ordinaires de Christophe Guilluy : le retour de balancier ?

Un intellectuel polémique

Depuis Fractures françaises paru en 2010, le géographe Christophe Guilluy est devenu, à l’instar d’Emmanuel Todd, un des essayistes français les plus lus, y compris des hommes politiques (on ne lui connaît qu’un engagement chevènementiste). Sa thèse centrale, développée depuis une dizaine d’années, revient à opposer la France des métropoles à la France périurbaine (incluant les campagnes), celle qui est intégrée à la mondialisation et celle qui ne l’est pas. Sa lecture dichotomique du territoire français est critiquée par nombre de chercheurs et d’intellectuels, certains n’hésitant pas en faire le propagandiste d’un néo-conservatisme à la française préparant la victoire idéologique du FN/RN.

La revanche ?

Avec Le Temps des gens ordinaires, Christophe Guilluy prophétise la fin de la domination de la France des métropoles. Il analyse le Brexit et l’élection de Trump aux USA comme les signes au niveau  mondial du retour des classes populaires dans le champ politique. Pour lui, les élites prennent maintenant en compte l’opinion des « gens d’en bas », surtout que la crise sanitaire les a célébrées comme des héros (après que la couverture médiatique des gilets jaunes en ait fait des quasi-fascistes). Le sens de l’histoire s’est-il inversé ?

Les limites d’une thèse

Un intellectuel cherche souvent à décrypter le temps long, à détecter les grands mouvements de fond de l’histoire. Guilluy dans son livre brasse large, prêt à quelques raccourcis idéologiques de haute volée (par exemple sur Trump) qui hérisseront le poil des biens pensants (et ça c’est bien). On se doit en tout cas de noter ici que, pour le moment, seul le discours (si on prend par exemple celui de Macron) change. La pratique politique reste néolibérale, objectivement néfaste pour la majorité des classes populaires : le projet de réforme des retraites (passage à un régime par points), celle de l’assurance chômage sont toujours d’actualité. L’immigration reste aussi dans la pratique dérégulée. Le temps validera ou non les thèses de Guilluy.  

Sylvain Bonnet

Christophe Guilluy, Le Temps des gens ordinaires, Flammarion, août 2021, 208 pages, 7 euros

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