Les femmes et le pouvoir, misogynie et féminisme

Une historienne dans la cité

 

Professeure à Cambridge, Mary Beard est principalement connue dans nos belles contrées francophones pour avoir publié SPQR, un livre consacré au monde romain expliquant les raisons de sa réussite et de son influence toujours prégnante sur notre société. Les Femmes et le pouvoir, que les éditions Perrin sortent pour cette rentrée, dans un contexte marqué par l’affaire Weinstein et ses suites, réunit deux conférences données en 2014 et 2017 sur la place des femmes dans nos sociétés. Et bien sûr ce livre parle aussi du machisme et de la misogynie dans notre culture.

 

Un héritage antique ?

 

Avec Mary Beard, on comprend que la misogynie et la relégation des femmes au foyer remontent à loin. Elle cite Homère et la scène où Télémaque renvoie sa mère Pénélope à ses occupations (le fils joue le rôle du père), revient sur le meurtre de méduse (qui savait qu’Angela Merkel et Hillary Clinton avaient été caricaturées sous les traits de méduse ?). Ovide aussi, dans Les Métamorphoses, cède à la misogynie ambiante en réduisant les femmes au silence via les dites métamorphoses.

 

Des femmes et des positions de pouvoir

 

Pour Mary Beard, il s’agit ici de montrer combien les femmes furent écartées des places de leader, sauf à renier ou à escamoter leur féminité. Elle cite avec raison Elisabeth Ière qui, dans un discours qui lui est attribué célébrant son cœur de roi (piégé ?) dans un corps de femme (Thatcher n’était pas loin de faire de même). On en arrive au final à Trump et à sa misogynie revendiquée et aussi au mouvement Black Lives Matters, fondé par des femmes. Qu’en retire-t-on ? On pourrait dire que les stéréotypes culturels demeurent ancrés dans nos sociétés. Pour le reste, notons qu’elle néglige un peu l’influence des femmes dans l’histoire, via l’alcôve ou la politique. Anne d’Autriche gouverna la France avec Mazarin, madame de Pompadour contribua à l’inspirer… sans compter une Catherine de Russie imprima sa marque sur son empire. Étaient-elles femmes ou se cachaient-elles derrière des mâles vertus, inspirés par leur conditionnement social ? La grande Catherine en a fait exécuter pour moins que cela…

 

Pour l’avenir

 

Sur le plan de l’égalité stricto sensu, il reste également à faire (du point de vue des salaires par exemple) mais sur le plan politique, permettons-nous de nuancer Mary Beard : des femmes arrivent au pouvoir en Occident (et ailleurs, pensons à Benazir Bhutto au Pakistan) et s’y maintiennent malgré les insultes d’une minorité. Gageons que ce n’est pas fini. Voici un essai stimulant, partisan, qui cependant peut faire réfléchir.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Mary Beard, Les Femmes et le pouvoir, traduit de l’anglais par Simon Kitchen, Perrin, septembre 2018, 128 pages, 10 euros

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