Les téméraires, histoire des ducs de Bourgogne
Un historien flamand
On connaît peu ici Bart Van Loo, philologue et historien, qui a énormément publié dans son pays natal. Les Téméraires est son premier ouvrage traduit en français et est consacré à la dynastie Valois des ducs de Bourgogne. Pourquoi ? Parce que ceux-ci ont non seulement régné sur la Bourgogne, la Franche-Comté et les territoires qui allaient devenir la Belgique et les Pays-Bas…

Un autre point de vue
De fait, Bart Van Loo, dont on dit qu’il est aussi passionné par l’histoire de la France, s’intéresse aux bourguignons parce qu’ils ont contribué à construire ce qu’on appelle « les plats pays ». Il n’hésite pas aussi à remonter aux Burgondes, ancêtres lointains du duché de Bourgogne, bientôt incorporé au royaume des Francs, qui comprend aussi la Belgique actuelle. On assiste donc à une large fresque qui aboutit à l’attribution du duché de Bourgogne à un des fils du roi Jean le bon, le battu de la bataille de Poitiers, le dénommé Philippe le Hardi, fondateur de la lignée.

Une famille ambitieuse
Ces ducs de Bourgogne vont hanter l’histoire de France mais avec Van Loo, on découvre qu’ils hantent aussi l’histoire de la Belgique et des Pays-Bas. Le premier duc impose grâce aux troupes de son neveu Charles VI, sa domination sur les villes flamandes. Représentons-nous bien qu’à l’époque il s’agit d’une des régions les plus riches d’Europe, une chance pour le duc. Entre l’Empire et le royaume de France, le duché de Bourgogne tente donc d’exister. En pleine guerre de cent ans, on voit Philippe Le Bon s’allier aux anglais (il gardait en effet une certaine rancune au dauphin Charles d’avoir fait tuer son père) puis se rallier à la France, entraînant la défaite anglaise tout autant que l’intervention miraculeuse de Jeanne d’Arc qu’il capture et remet aux anglais. Lié par des liens de suzeraineté envers le roi de France, le duc de Bourgogne cherche à bâtir un état indépendant (je renvoie à l’excellent ouvrage de Bertrand Schnerb, L’état Bourguignon, paru chez Perrin en 1999) et c’est loin d’être une sinécure.

Un échec fécond
Quand Philippe le Bon accueille le futur Louis XI, en délicatesse avec son père Charles VII, sur ses terres, il est loin de se douter que le futur roi va être l’instrument du désastre pour sa famille. Il faut aussi dire que son fils Charles le téméraire, comme le démontre Bart Van Loo, voit trop grand, trop vite et est victime de son orgueil. Sa mort permet à Louis XI de s’emparer de la Bourgogne mais pas des plats pays : ceux-ci reconnaissent Marie comme duchesse et celle-ci se marie à Maximilien de Habsbourg : on comprend ainsi pourquoi leur petit-fils Charles Quint parlait bien mieux français qu’allemand et a cherché à récupérer la Bourgogne, lui qui régnait sur l’Espagne, l’Empire, les Amériques, les Pays-Bas… cet ouvrage de vulgarisation, écrit d’une plume alerte, est une bonne occasion de revenir sur un passage méconnu de l’histoire européenne.
Sylvain Bonnet
Bart Van Loo, Les Téméraires, traduit du néerlandais par Daniel Cunin et Isabelle Rosselin, Flammarion, octobre 2020, 688 pages, 29 eur