Portraits d’un royaume, Henri III, un roi face à sa noblesse

Un historien du XVIe siècle  

Nicolas Le Roux, professeur d’histoire moderne, s’est spécialisé dans l’étude des Guerres de religion en France. Il a notamment publié La faveur du Roi, Mignons et courtisans au temps des derniers Valois (Champ Vallon, 2001) et L’assassinat d’Henri III (Gallimard, 2006). Ici, il se propose de revenir sur les relations entre Henri III, monarque énigmatique (on va voir pourquoi) et sa noblesse. Vaste sujet et le sous-titre du livre (« Henri III, la noblesse et la Ligue ») en annonce la complexité…  

Une figure singulière  

La relation entre un Roi et sa noblesse est primordiale à l’époque moderne car les nobles sont souvent les relais de l’administration royale dans les provinces. De plus, les Valois se sont servis, au cours du XVIe siècle, des  guerres en Italie contre les Habsbourg pour dispenser faveurs et honneurs à une noblesse avide de reconnaissance. L’émergence du protestantisme, suivi des premières guerres de religion après la mort d’Henri II, brise cet équilibre. Rappelons qu’Henri III n’aurait pas dû normalement monter sur le trône. Ce sont les décès de ses frères qui en font un héritier, puis un Roi. Catholique convaincu, impliqué dans des guerres contre les protestants, il n’en reste pas moins un politique, surtout face au parti des Guise, champions de ce qui va devenir plus tard la Ligue. Secret, Henri III restreint l’accès à sa personne, ce qui choque une partie de la cour. Il favorise aussi ostensiblement ses favoris, appelés « Mignons », qui font écran entre lui et le pays. Évacuons les accusations d’homosexualité, de toute façon difficiles à prouver vu les sources : ces « Mignons » jouent surtout un rôle de paratonnerre. Mais leur faveur excite les jalousies. Et on découvre ainsi que derrière les conflits religieux il y aussi des conflits entre nobles, post-féodaux. Les uns alimentent les autres…  De fait, Henri III ne sait pas comme son père Henri II ou son grand-père François Ier s’attacher sa noblesse.

Des oppositions croissantes  

Last but not least, Henri III n’a pas d’enfant et perd son frère François (un parent très remuant, voire la révolte des « Malcontents », très bien analysé ici) : la place d’héritier présomptif va à un protestant, le roi de Navarre et futur Henri IV. Henri III voit alors les oppositions se dresser contre lui, rassemblant des nobles qui ont été sinon ses familiers en tout cas des partisans comme le gouverneur de Bretagne, le duc de Mercœur. Les Guise surtout font figure de rassembleurs de cette opposition, au point qu’Henri III finira par les faire assassiner, au prix d’une tempête politique. Pour autant, la majorité des nobles restent soit attentistes, soit fidèles au roi dans face à la crise : ils ne rallient pas la Ligue, même si certains comme Guy de Lanssac y trouvent une occasion de briller. On devine dans ce livre un royaume loin de vouloir un bouleversement « révolutionnaire » (et donc peu suspect d’adhérer aux thèses des monarchomaques protestants ou de la Ligue). Henri IV, fin politique qui sut « vendre » sa conversion, saura le pacifier.        

Sylvain Bonnet

Nicolas Le Roux, Portraits d’un royaume : Henri III, la noblesse et la ligue, Passés composés, septembre 2020, 400 pages, 23 eur

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