Camille et Lucile Desmoulins, un couple en Révolution

La Révolution à l’étude

 

Hervé Leuwers est professeur à l’université de Lille et est ancien directeur des Annales historiques de la Révolution française. Notons qu’il a rédigé une thèse sur Merlin de Douai et s’est spécialisé dans l’histoire de la justice et des professions judiciaires. Il a publié notamment La Révolution française et l’Empire (PUF, 2011) et surtout une biographie de Robespierre (Fayard, 2014) assez remarquée. Il a aussi collaboré avec Michel Biard. Il publie en ce début d’année une biographie de couple, Camille et Lucile Desmoulins.

 

Un avocat devenu journaliste et pamphlétaire

 

Étrange trajectoire que celle de Camille Desmoulins, fils d’un juge et brillant élève du lycée Louis le grand, avec comme condisciple un certain Robespierre. Le jeune Camille grandit dans la France prospère des années 1770 et 1780, à l’ombre d’une monarchie qui se délite. Il devient avocat, plaide et… versifie. Car Camille est passionné de poésie, celle des auteurs de l’antiquité (il admire Cicéron), celle des classiques aussi. Fils des Lumières, il se fait le critique de la monarchie et de l’église. Il échoue cependant à se faire élire aux Etats généraux mais il découvre un autre pouvoir, celui des mots.

 

L’ivresse des mots

 

Ah les mots… Notre Desmoulins en découvre l’importance un 12 juillet 1789 où il harangue une foule de plus en plus nombreuse qui ne tarde pas à prendre les armes pour protéger la Révolution. Et bientôt la Bastille tombe. Camille devient journaliste, tout en ne cessant de conter fleurette à la belle Lucile Duplessis. Car l’intérêt de cette biographie est de mêler l’intime au politique, comme le faisait d’ailleurs Desmoulins dans son journal, Révolutions de France et du Brabant. Desmoulins s’y montre un homme sensible, amoureux d’une jeune femme plus jeune que lui. Et il sait aussi se servir de son adresse avec les mots pour la séduire et convaincre ses parents de la laisser l’épouser, lui qui n’a aucun bien. Ici, on se doit de noter une certaine émotion, car Desmoulins use d’un excellent français pour dire combien il aime sa belle. En bon disciple du Rousseau des Confessions, Desmoulins laisse parler ses sentiments.

 

La Révolution dévore ses plus beaux enfants

 

Républicain précoce, Camille Desmoulins se sert des mots avec ironie, humour, talent pour ridiculiser ses ennemis. Aristocrates, curés, modérés, brissotins, tous passent à la moulinette féroce de notre pamphlétaire. Après avoir épousé sa belle, Camille participe aux évènements de l’été 1792, voit enfin sa République proclamée. Il attache ses pas à ceux de Danton (une belle crapule, un jour il faudra revenir dessus), ministre de la justice en septembre 1792. Hervé Leuwers peint avec acuité l’idéalisme d’un couple qui attend des merveilles de la République. Après avoir voté la mort du Roi, après avoir applaudi l’élimination politique des brissotins et des girondins, Camille change. Il apprend avec horreur la condamnation à mort de Brissot et de ses amis. Il prend conscience des dérives sanguinaires de « sa » République et publie un nouveau journal, Le vieux cordelier, soutenu par Lucile, où il appelle à la clémence, à l’indulgence. Il finira sur l’échafaud, lâché par son ami Robespierre et Lucile le rejoindra quelques jours plus tard.

 

Voici une belle biographie sur des personnages complexes et ô combien proches de nous.

 

Sylvain Bonnet

 

Hervé Leuwers, Camille et Lucile Desmoulins, Fayard, janvier 2018, 446 pages, 25 euros

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