« Madame Pylinska et le secret de Chopin » Eric-Emmanuel Schmitt au piano

Eric-Emmanuel Schmitt a déjà beaucoup écrit sur la musique et les compositeurs, mais c’est avec Madame Pylinska et le secret de Chopin qu’il dévoile une part de sa propre intimité.

Arrivé rue d’Ulm pour y apprendre la philosophie à l’Ecole Normale supérieure, Eric-Emmanuel Schmitt se décide à prendre des cours de piano, non pas pour apprendre à jouer, mais pour comprendre ce que c’est que de jouer. Sa tante Aimée, si tendrement chérie, l’avait ébloui quand il avait 9 ans et depuis il torturait le pauvre instrument de sa trop naturelle puissance. Un ogre joue-t-il du piano ? Bien sûr, avec beaucoup de travail, il su jouer Mozart et Bach, Schubert et d’autres, mais Chopin lui résistait. Chopin, qu’on ne peut interpréter correctement si on n’a pas dans l’âme ce quelque chose de polonais, de déchiré et de léger à la fois, de supérieur et d’intime.

Il rencontre Madame Pylinska, femme d’abord revêche et fermée mais qui consent à lui enseigner le piano quand il prononce ses voeux de comprendre Chopin. La polonaise s’est-elle émue ? Quoi qu’il en soit, commence une relation maître-disciple assez étrange, où la pratique de l’instrument même est accessoire.

Madame Lypinska va lui enseigner son art en lui faisant faire des exercices aussi étranges que cueillir une fleur sans en faire tomber la rosée ou contempler à s’y perdre un arbre. Voire s’insinue dans sa vie la plus intime… Très étonnante dame, qui croît en la métempsycose et sait que son chat Alfred Cortot (un si grand pianiste !) s’est réincarné dans cette étrange araignée apparue trois jours seulement après la mort du félin et qui se fixe au dessus du piano dès qu’elle joue Chopin… C’est un personnage, qui tempête, ordonne, mais peut tout aussi bien se révéler joueuse, quand elle compare Chopin à Liszt ou part dans une tirade à la Cyrano pour se moquer des participants à un concours qui ne sont « que chopinades, chopinettes et chopiniewskys ! »

 

Entouré de femmes, Eric-Emmanuel Schmitt doit à sa tante la révélation du secret de Chopin, auquel Madame Lypinska l’a si belle préparé. Ce secret serait-il celui de la vie-même ?

 

Roman très court mais dense, il a cette magie d’intelligence et d’émotion propres à l’ogre Eric-Emmanuel Schmitt qui s’y révèle, comme on l’aime, d’une si belle légèreté.

 

 

Loïc Di Stefano

Eric-Emmanuel Schmitt, Madame Pylinska et le secret de Chopin, Albin Michel, mars 2018,119 pages, 13,50 eur

 

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