Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, l’oublié du grand siècle

Une biographie pas du tout incongrue

 

Docteur en histoire, effectuant des recherches sur les relations entre la France et la Savoie à l’époque moderne, Elisabetta Lurgo a déjà croisé le si singulier frère de Louis XIV, si décrié par madame de La Fayette ou Saint Simon, en publiant sa correspondance dans une histoire oubliée, Philippe d’Orléans et la maison de Savoie. Perrin publie ces jours-ci la biographie qu’elle consacre à Monsieur, dont l’influence a finalement été plus forte qu’on ne le dit sur Louis XIV et qui continue de fasciner (n’est-il pas un des personnages de la série Versailles, diffusée par Canal + ?).

 

Fils et frère de Roi

 

Tout d’abord, Philippe est un enfant né sur le tard, deux ans après le futur Louis XIV. De son père Louis XIII, il ne gardera aucun souvenir. Sa mère par contre eut une énorme influence sur lui. Elle éleva les deux frères en veillant à leur complicité et à leur entente. Comme le montre bien Elisabetta Lurgo, Anne d’Autriche (et Mazarin), avait un très mauvais souvenir des révoltes de Gaston, frère de Louis XIII et voulait à tout prix éviter à son aîné que son cadet ait des envies de rébellion. Le bon caractère de Monsieur dissipa en partie cette peur. Philippe faillit cependant devenir roi en 1659 lorsque la fièvre faillit emporter Louis XIV. Mazarin, conscient des faiblesses du prince, eut un moment de panique…

 

Un prince homosexuel

 

Que n’a-t-on dit du goût exclusif de Philippe d’Orléans pour les hommes ? Il correspond à une réalité historique et à une pratique (« le vice italien ») finalement assez répandue à la cour de France. Il est patent que sa sexualité a desservi Monsieur. Pour autant, il se révéla à la guerre de Hollande, démontrant un courage à toute épreuve et remportant la victoire de Cassel en 1676. D’ailleurs, on se permettra ici une critique du travail de Lurgo : Louis XIV a bien pris ombrage de la gloire de son frère. Philippe et son frère justement. Les deux hommes s’entendaient bien, se confiant nombre de choses même si Louis tenait Philippe à l’écart du gouvernement.

 

Et il engendra une lignée

 

Homosexuel, il se maria deux fois. Sa première épouse, Henriette-Anne d’Angleterre, fut très malheureuse avec lui et mourut jeune, au point qu’il fut accusé de l’avoir empoisonné. Sa deuxième femme, Elisabeth-Charlotte de Bavière, s’accommoda finalement assez bien de son mari et de ses excentricités. Père aimant, il répugnait à voir ses filles le quitter pour épouser roi et ducs. Il fut bien sûr le père du futur Régent Philippe, un fils aux qualités exceptionnelles et qui éclipsait les autres princes de sa génération (il aurait mérité d’être roi). Par le jeu des alliances matrimoniales, les Habsbourg actuels comptent parmi ses descendants. Et il fut bien sûr l’ancêtre de Philippe Egalité et du dernier roi, Louis-Philippe. De plus, par ses apanages et le creusement du canal d’Orléans, il bâtit la fortune de sa famille. Bon militaire, parfois diplomate, bon gestionnaire, pas mal pour un prince si brocardé !

L’excellente biographie d’Elisabetta Lurgo permet de découvrir un personnage plus fascinant qu’il n’y paraît.

 

 

 

Sylvain Bonnet

 

Elisabetta Lurgo, Philippe d’Orléans, Perrin, mai 2018, 400 pages, 24 euros

Laisser un commentaire