Mai 67, tumulte aux Antilles

Des polars historiques engagés

Ancien journaliste, Thomas Cantaloube s’est lancé dans une série de polars retraçant les débuts de la Ve République, avec Requiem pour une République (Gallimard, 2019) et Frakas (Gallimard, 2021) centrés respectivement sur la guerre d’Algérie et les débuts de la fameuse Françafrique. On a pu aussi faire connaissance avec un trio de personnages hauts en couleurs liés par la haine, l’intérêt et aussi l’amitié : l’ancien policier devenu journaliste Luc Blanchard, le truand Antoine Lucchesi et le mercenaire homosexuel Sirius Volkstrom. Mai 67 nous emmène pour sa part en Guadeloupe.

Une révolte manquée, une manipulation d’état (presque) réussie

« Son anglais lui était revenu plus vite qu’il ne s’y attendait. Il faut dire que ce n’était pas bien compliqué avec les Américains. On utilisait deux verbes et trois mots, toujours les mêmes, une expression imagée, on riait un grand coup ou on grognait en fonction de l’humeur et ils vous comprenaient. Ou pas. Mais ça équivalait au même parce qu’ils faisaient semblant de toute manière. Par politesse. »

Après ses « exploits » en Afrique, Volstrom est devenu salarié de la CIA qui paie bien. On l’envoie en Guadeloupe faire du renseignement et estimer les dangers de subversion communiste ou castriste. Sur place, Volkstrom trouve une situation explosive : des manifestations contre la vie chère dégénèrent, la préfecture faisant tirer sur les manifestants. Parmi eux, Luc Blanchard et son épouse Lucile. Cette dernière, dont le cousin membre d’un mouvement indépendantiste a été retrouvé tué par balles, est arrêtée et emprisonnée. Blanchard se retrouve seul avec sa fille, désemparé quand débarque son vieux pote Antoine Lucchesi, venu convoyer un bateau en Guadeloupe. Volkstrom, sentimental sur ses vieux jours, débarque peu après et lui donne même de l’argent pour aller voir sa femme en prison à Paris. Car un procès va avoir lieu, le régime gaulliste a du mal avec l’outremer…

Un roman très politique

Mai 67 va ennuyer certains nostalgiques de la République version de Gaulle. Comme à son habitude, Thomas Cantaloube nous donne un récit, appuyé sur de la documentation, des « arrière-cuisines » de l’époque, plein de coups bas, de meurtres, de violences. Et attire aussi notre attention sur des évènements méconnus en métropole mais qui ont marqué l’île de la Guadeloupe (et qui explique peut-être certains évènements récents). On croisera des politiques comme le socialiste Claude Estier, bras droit de Mitterrand, ou un certain Jacques Chirac. C’est plutôt réussi dans son genre, les amateurs apprécieront.

Sylvain Bonnet

Thomas Cantaloube, Mai 67, Gallimard « série noire », mai 2023, 368 pages, 19 euros

Laisser un commentaire