Quand le manga réinvente les grands classiques de la peinture

Comment faire venir à l’art le jeune public ? Ce n’est pas un défaut de lecture, ni de curiosité, car les jeunes lecteurs de mangas sont à la fois voraces et éclectiques. Alors ? Sont-ils trop « enfermés » dans un genre pour aller voir ailleurs ? Sans doute le Club Enpitsu, éditeur spécialisé sur l’art du manga,  s’est-il imaginé qu’en réunissant un collectif de mangaka et en leur donnant comme mot d’ordre de se ré-approprier de grands classiques de la peinture, cela permettrait aux plus jeunes de s’approprier les classiques de l’art. Et cette belle idée a fait mouche, d’abord au Japon en 2016 puis maintenant en France. Que se passe-t-il donc quand le manga réinvente les grands classiques de la peinture ?

 

 

un outil pédagogique

Quand le manga réinvente les grands classiques de la peinture s’ouvre sur quelques pages très pédagogiques : une frise sur l’histoire de la peinture (des origines à l’art du XXe siècle), un court texte passionnant sur l’intérêt de la copie des chef-d’œuvres, et un regard particulier sur ce que l’artiste contemporain apporte de lui-même dans sa copie. C’est simple mais vraiment très bien fait, parfait pour émoustiller la curiosité des jeunes lecteurs.

Puis chaque page de l’ouvrage proprement dit se compose de la copie grand format avec, en vis-à-vis,  l’œuvre originale  accompagnée d’un court texte de présentation qui situe l’œuvre aussi bien dans son époque que dans la vie de l’artiste.

 

 

un challenge artistique

 

Outre la vertu pédagogique, le livre est aussi là pour montrer que les dessinateurs de manga sont, avant tout, des artistes. Si certains ont « simplement » mis leur style sur le modèle initial, sans rien apporter d’autre qu’une « manga-isation » des traits (mis ce n’est pas péjoratif car les résultats sont vraiment beaux), d’autres ont transféré l’univers de la pop culture japonaise dans l’œuvre, afin de lui donner une nouvelle résonance. Cela peut se jouer dans d’infimes détails (les arbres classiques qui deviennent des porteurs de yökai, esprits du folklore japonais) ou dans une transposition plus globale (La Noce paysanne de Brueghel l’ancien devient une scène de cantine dans un collège).

Les copies permettent de mettre en avant l’universel des scènes et le génie des œuvres originales, car si les copies fonctionnent si bien , c’est qu’elles apportent leur propre monde n surimpression du monde premier. Aux férus de pop culture et japanimation d’aller dénicher tel détail ou tel symbole venus enrichir l’œuvre ancienne qu’ils découvriront par ce biais.

Le livre se termine par un mini témoignage de chaque artiste exprimant son rapport à l’œuvre initiale.

 

Cet art-book très bellement édité à l’italienne sur papier glacé, comme tout ce qui sort des presse pour Mana Books, est une vraie réussite. C’est beau, c’est intelligent, c’es différent et permet une chose rare de nos jours : montrer combien les artistes les plus modernes, même issus d’une industrie comme celle du manga, sont fortement attachés à la culture propre à leur art, à la culture et à l’art.

 

Loïc Di Stefano

 

Quand le manga réinvente les grands classiques de la peinture, Mana Books, mars 2018, 112 pages, 17 euros

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