Le tribunal révolutionnaire, l’instrument de la Terreur

Un spécialiste de l’histoire du XVIIIe siècle

Après avoir fait une thèse sous la direction de Jean Tulard portant sur les Agents secrets du ministère des affaires étrangères envoyés dans les départements (1792-1794), Antoine Boulant a été chef de la section des publications au Service historique de la Gendarmerie nationale de 1999 à 2005, puis dans les mêmes fonctions au ministère de la Défense. Il est actuellement administrateur de l’Institut Napoléon. Comme publications, on lui doit Ministres et ministères du siècle des Lumières (Christian JAS, 1996) en collaboration avec Arnaud de Maurepas et Les Tuileries, château des rois, palais des révolutions (Tallandier, 2016). Il publie en cette fin d’année chez Perrin un ouvrage qui revient sur la Terreur, Le Tribunal révolutionnaire, punir les ennemis du peuple.

 

Une justice politique

L’auteur décrit avec beaucoup de minutie les circonstances de la naissance du tribunal révolutionnaire en mars 1793, soit deux mois après l’exécution de Louis XVI. Le tribunal révolutionnaire siège dès ses débuts au palais de Justice, là où le parlement de Paris avait résidé jusqu’à sa dissolution en 1790. On recruta comme magistrats d’anciens avocats (rappelons-le, l’ordre a alors été aboli), comme accusateur public le fameux Fouquier-Tinville et comme jurés essentiellement des bourgeois.

Le rôle du tribunal est simple : juger les ennemis de la République. On verra ainsi défiler Marie-Antoinette, madame Elisabeth, des généraux vaincus comme Custine ou Lauzun, des nobles et des royalistes bien sûr et puis ce fut le tour des Girondins, des hébertistes et des « indulgents » de Danton. La révolution dévorait ses enfants. Bien sûr, il s’agit ici d’un régime d’exception :

 

Si le respect des formes judiciaires par le Tribunal révolutionnaire est avéré pendant les premiers mois de son existence, il n’en fut cependant pas de même par la suite. Instituée par la Convention pour punir les adversaires du nouveau régime, et devenue bientôt un instrument destiné à éliminer des rivaux politiques, cette juridiction d’exception ne pouvait adopter le fonctionnement et la logique propres à un tribunal ordinaire. »

 

La fin justifie les moyens

Contrairement à une idée reçue, le Tribunal ne condamne pas systématiquement les prévenus à la mort, plus de la moitié sont en effet acquittés. Mais, au fil du temps, la Terreur s’intensifie et après le décret de Prairial, qui supprime les droits de la défense, le « rendement » du tribunal explose si on peut dire, répondant enfin aux souhaits de Robespierre. Sa disparition engendre progressivement le démantèlement de la grande Terreur mais le Tribunal fonctionne encore pour juger Carrier et l’ancien accusateur public Fouquier-Tinville, des boucs émissaires commodes pour un personnel politique thermidorien au passé terroriste (comme Tallien ou Fouché).

Dissous en 1795, le Tribunal révolutionnaire aura cependant une postérité bien triste notée par Antoine Boulant dans sa conclusion :

 

Si la Russie stalinienne ne peut évidemment être comparée à la France révolutionnaire, le processus idéologique qui conduisit progressivement le pouvoir politique à éliminer ses rivaux et des milliers d’individus anonymes potentiellement dangereux, en les privant des garanties les plus élémentaires, nous semble […] identique dans le contexte d’un régime politique érigeant l’idéologie révolutionnaire en vérité suprême, se définissant par opposition à des ennemis réels ou imaginaires et considérant leur élimination comme un mode privilégié de résolution des conflits. »

 

 

Sylvain Bonnet

Antoine Boulant, Le Tribunal révolutionnaire, Perrin, octobre 2018, 320 pages, 23 euros

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