« Blue Giant », tome 1 : Tenor saxophone Myamoto Dai
D’entrée, on est dans l’ambiance, avec une couverture qui est une référence à l’album mythique Bird de Charlie Parker. Et ce sera une partie du challenge de Blue Giant, le manga de Shinichi Ishizuka : être un éloge du travail et du jazz. Cette série, publiée de 2013 à 2017 au Japon, a déjà de nombreux volumes (10 pour la première saison, achevée, 3 pour la deuxième, en cours, Blue Giant Supreme), ce qui nous augure de longue et belles heures de lecture. Qui plus est, l’auteur n’est rien moins que Shinichi Ishizuka à qui l’on doit la géniale série Vertical consacrée à l’alpinisme : il y a montré une capacité de narrateur hors pair. Voyons ce qu’il vaut passant d’une montagne l’autre, des piolets au saxophone, en suivant le parcours du tome 1 : Tenor saxophone Myamoto Dai.
Myamoto Dai est lycéen et s’ennuie en cours. Sa seule passion, la musique. D’abord pianiste, puis guitariste, il a son petit groupe de rock jusqu’à ce la révélation se fasse, en deux temps : premier temps, la découverte de l’album Kind of Blue de Miles Davis ; second temps, une session live dans un club. Depuis lors, il n’a de cesse de jouer du saxophone, tous les soirs sur les bords de la rivières, tout le temps qu’il peut. Le vendeur du magasin de musique s’étonne même de sa consommation de hanches ! Soutenu par ses amis et son père, il décide qu’il sera en fera son métier.
Shinichi Ishizuka n’oublie pas la portée pédagogique de son manga, comme il le fit sur l’univers de la montagne, car tout au long de ce premier tome la question se pose pour les amis de Myamoto Dai de comprendre son engouement et de savoir, au final, ce que c’est que le jazz. « On crée la mélodie du jour, du moment, de l’instant présent ! Alors, ça change au jour le jour ! Le jazz, c’est une musique libre et intense ! » Mais jouer seul ses propres émotions est-ce jazz ? Dai va apprendre qu’il lui reste beaucoup à travailler, à lire car le jazz n’est pas qu’une improvisation et surtout apprendre comment devenir un musicien de jazz ? car ce n’est pas tout de ressentir !
Au fil de chapitres qui sont aussi des références (comme Giant steps, un album et un titre de John Coltrane, How high the moon, un standard de Morgan Lewis, ou encore Slow Hot Wind, un morceau d’Henri Mancini aussi connu sous le titre Lujon…), Myamoto Dai forge son propre destin. Mais il se construit aussi contre une société très normalisée où le jazz, cet esprit de liberté, joue à contre-courant.
Un premier tome réussit, qui nous jette dans cette ambiance particulière et qu’on pourrait lire en écoutant la bande-son idéale faite de Charlie Parker, de John Coltrane, de Miles Davis…
Loïc Di Stefano
Shinichi Ishizuka, Blue Giant, tome 1 : Tenor saxophone Myamoto Dai, Glénat,mai 2018, 226 pages, 7,60 eur