Massu, le grognard du Général
Le journaliste et le général
Pierre Pellissier est journaliste. Il a coécrit, avec Pierre Messmer et Michel Tauriac (le fameux auteur avec Philippe de Gaulle de de Gaulle mon père) Nous, les Français combattants de 39-45 (Tallandier, 2005). Il est aussi l’auteur de La Bataille d’Alger (Perrin, 1995), d’une biographie du général Salan (Perrin, 2014) et d’une étude sur le 6 février 1934. Ici, nous avons affaire à une réédition de sa biographie du général Massu, français libre et soldat bourru, inconditionnel du général de Gaulle et principale artisan de la bataille d’Alger en 1957. Un drôle d’itinéraire que Pierre Péllissier nous fait découvrir.
Les pièges de la fidélité
«— Alors Massu, toujours aussi con ?
— Pour vous servir, mon général ! » (dialogue apocryphe)
Pierre Pellissier aborde son sujet avec une certaine empathie. Massu, issu d’une famille de militaire (il compte le maréchal Ney parmi ses ancêtres), a suivi le parcours classique du jeune officier d’avant-guerre. Il a été à Saint Cyr et a choisi des affectations dans l’Empire colonial. C’est là qu’il est surpris par la défaite de 1940 et qu’il fait le choix de la France libre. Dès lors, Massu attache son destin à celui de de Gaulle même s’il combat avec Leclerc et fera partie de la 2e DB (où il rencontre sa future femme, Suzanne). Après-guerre, il combat en Indochine, a des commandements en Afrique, est envoyé à Suez puis en Algérie. Là, lui et ses paras nettoient la ville d’Alger du FLN, au prix de renseignements arrachés par la torture. Cela poursuivra Massu toute sa vie. En 1958, il affiche son gaullisme et soutient le retour du Général au pouvoir. Celui-ci pourtant le déconcertera, le décevra par les méandres de sa politique algérienne. Pourtant, il lui restera fidèle et ne participera pas au putsch d’Alger en 1961 et ne rejoindra pas l’OAS. Le grognard grogne mais reste fidèle à son empereur, dira-t-il, au point de lui remonter le moral le 29 mai 1968 à Baden-Baden.
Une biographie qui aurait dû être plus fouillée
Voici donc la vie de Massu, bien restituée et racontée par Pierre Pellissier, un peu comme un roman. Mais quid du travail historique ? Massu a participé à plusieurs conflits, on aurait aimé voir resitué son rôle opérationnel ou doctrinal sur le terrain. Sa relation avec de Gaulle est bien sûr centrale pour comprendre le personnage mais, si on devine ses oscillations, on aurait aimé en savoir plus tout de même sur les années 1962-68, vite expédiées. Bref, on sent ici un travail de journaliste, d’un connaisseur de la guerre d’Algérie, qui aurait gagné à être plus fouillé.
Sylvain Bonnet
Pierre Péllissier, Massu, Perrin, mars 2018, pages, 24 euros