Sugar Run, une Amérique à la dérive

Un éditeur toujours à l’affût des nouveautés 

Souvent les éditions Gallmeister prennent le risque de publier des auteurs méconnus et inconnus en France : ils ont ainsi récemment publié Furie de John Farris, adapté au cinéma par Brian de Palma. Ici il s’agit de découvrir la jeune écrivaine Mesha Maren à travers son premier roman, Sugar Run, qui se déroule dans les Appalaches. On ne fera pas ici la présentation habituelle puisqu’il s’agit d’un roman, disons-nous juste : en route pour l’aventure et on verra bien !  

A la recherche d’une deuxième chance 

Jodi, trente-cinq ans sort de prison. Elle a passé la moitié de sa vie derrière les barreaux, n’a pas de diplôme ou de formation. Elle décide de retourner chez elle dans les Appalaches et de vivre sur un terrain que lui a légué sa vieille tante Effie. Sur le chemin, elle rencontre Miranda, une jeune femme séparée de son mari, le chanteur de country Lee Golden. Ce dernier a emmené leurs enfants et la jeune femme est à la dérive. 

— Je suis vraiment une ratée, répéta Miranda. Je n’arrive pas à croire que j’ai laissé tout ça m’arriver.

— Ça va aller.

Jodi écarta une mèche de sa joue et Miranda ouvrit les yeux. Ils étaient humides, mais résolus. Elle plaqua une main minuscule à la force surprenante sur la nuque de Jodi. Ses lèvres étaient salées, insistantes. Affamées, pensa Jodi, tandis que Miranda lui retirait son Tee-shirt et la poussait contre le matelas. »

 

Jodi, malgré son passé criminel, aide Miranda à récupérer ses enfants. Elle va également chercher le petit frère de Paula, son ancienne petite amie, dont elle avait autrefois promis de s’occuper. Et voilà tout ce beau monde qui arrive dans les Appalaches. Jodi découvre vite que le terrain de sa tante a été vendu deux ans après son incarcération puisque personne ne payait les taxes. Elle cherche du boulot mais personne ne veut employer une ex-taularde. Aux abois, Jodi accepte d’entreposer de la drogue pour un de ses frères, un gros risque pour elle. Elle rêve de récupérer son terrain mais les grandes multinationales rachètent tout pour trouver du gaz de schiste.  

Les deux femmes ont fait un rêve mais la réalité, et le passé de Jodi, va les rattraper… 

Décapant 

Certaines mauvaises âmes parleraient d’un polar lesbien mais les choses sont beaucoup plus complexes. A travers l’histoire de Jodi et Miranda, on découvre la réalité sociale d’une Amérique rurale de plus en plus pauvre, où les gens se retrouvent à s’impliquer dans le trafic de drogue pour survivre. Il y a aussi le contexte de la Virginie occidentale, eldorado pour le gaz de schiste… Mais où les terres sont saccagées par la fracture hydraulique.

Au final on a un roman noir social, dur, avec un arrière-plan écologiste. Sugar Run emporte l’adhésion du lecteur le plus blasé. 

Sylvain Bonnet

Mesha Maren, Sugar Run, traduit de l’anglais par Juliane Nivelt, Gallmeister, janvier 2020, 384 pages, 23,60 eur

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