Le Temps des cannibales : la révolution française vue des îles britanniques

Un duo franco-britannique 

Professeur à l’université de Rouen Normandie, Pascal Dupuy s’est fait connaître par ses recherches qui portent essentiellement sur les images satiriques produites autour de la Révolution française en Grande-Bretagne. On notera aussi qu’il est l’auteur avec Michel Biard de La Révolution française. Dynamiques, influences, débats. 1787-1804, (Armand Colin, 2004). Il s’associe avec Harry T. Dickson, professeur émérite à l’université d’Edimbourg, pour un livre au titre provocateur, Le Temps des cannibales : la révolution française vue des îles britanniques, dont l’objet est simple : évaluer et analyser l’impact de la Révolution française en Grande-Bretagne. 

Le temps long d’une relation passionnelle  

Nos deux auteurs se placent dans le temps long de la relation franco-britannique, faite de répulsion et d’attirance réciproque. La France fut un modèle pour la dynastie des Stuarts, désireuse de défendre la prérogative royale, ainsi que pour une aristocratie admirative de la culture française. Elle fut aussi un repoussoir pour le parti whig issu de la Glorieuse Révolution de 1688 et au pouvoir au XVIIIe siècle. Les deux Etats se livrèrent des guerres sans merci. Résultat ? la perte du Canada pour la France en 1763 et des treize colonies américaines pour la Grande-Bretagne en 1783. La France reste en 1789 un géant démographique pour sa rivale insulaire maîtresse du premier empire colonial européen. Entre temps, c’est le royaume de Georges III qui est devenu un modèle pour bien des français. Car l’anglomanie de Montesquieu et de Voltaire est passée par là.  

Lorsque la révolution française éclate, nos deux auteurs montrent très bien qu’elle fut un évènement populaire en Grande-Bretagne, motivant les partisans d’une réforme électorale mettant fin aux « bourgs pourris » qui favorisent l’élection des « amis » du Roi. Le poids de la dette contractée lors de la guerre d’Amérique mobilise l’attention du premier ministre Pitt, qui doit aussi faire face à Georges III, avec qui il a une relation compliquée. Sans compter son rival au parlement, Fox (ami de Talleyrand !) qui lui mène la vie dure. Le gouvernement anglais néglige donc l’engouement d’une partie de l’opinion pour les évènements en France, du moins au début.  

L’attraction de la Révolution française 

Ce livre permet de bien voir que les britanniques se sont enthousiasmés pour les évènements français. Il y a eu des jacobins anglais, organisés en sociétés, grâce à la circulation des idées entre les deux rives de la Manche : Thomas Paine ne fut donc pas seul, ce qui explique le succès de ses brochures en librairie. Ces jacobins locaux critiquaient le système britannique qui réussit cependant à les combattre et à les réduire, moyennant quelques entorses à l’ « habeas corpus ». La plus grande partie de la classe politique a été sensibles aux arguments de Burke, grand pourfendeur de la « tabula rasa française ». Reste que nombre d’anglais, écossais et surtout irlandais (malgré les campagnes anticatholiques des révolutionnaires !) se sont montrés disposés à aider les français à envahir la Grande-Bretagne pour faire triompher leurs idées révolutionnaires et républicaines.

Il s’agit là d’une synthèse excellente sur un aspect peu connu de la période, précieux pour des étudiants et stimulant pour les amateurs d’histoire de la Révolution (et de l’Empire). 

Sylvain Bonnet 

Pascal Dupuy & Harry Dickinson, Le Temps des cannibales : la révolution française vue des îles britanniques, Vendémiaire, novembre 2019, 455 pages, 25 eur

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