Haruki Murakami, autoportrait de l’auteur en coureur de fond

Haruki Murakami a eu plusieurs vies. Entre son club de jazz et son métier d’écrivain, il a su parler de lui de différentes manières. La plus incongrue est sans doute T, ma vie en T-shirts. Mais une passion qui ne le quittera jamais, c’est celle de la course à pieds. Il y a plusieurs ouvrages mettant la course à l’honneur, en littérature, en philosophie ou même en spiritualité. Mais le projet d’Haruki Murakami est autre : Autoportrait de l’auteur en coureur de fond est autant une analyse d’un état d’esprit que l’autobiographie d’un écrivain, et un beau livre dédié

à tous les coureurs que j’ai croisés ur les routes du monde, à tous ceux que j’ai dépassés, à tous ceux qui m’ont dépassé. Sans vous tous, je n’aurais sans doute jamais continué à courir.

De l’art de courir

Courir est un art. Si tout le monde peut y parvenir, il reste qu’une certaine abnégation est nécessaire. Murakami, en modeste qu’il est, montre bien tout ce qu’il a du mettre en place, comme routine, entraînement, pour devenir le coureur émérite qu’on connaît. Son projet n’est pas d’inciter ses lecteurs à courir, mais d’expliquer simplement pourquoi il y a trouvé un chemin vers lui-même.

courir a été pour lui une thérapie. Loin de l’univers nocturne et enfumé de son club de jazz, la course lui offre une autre vie. Il arrête la cigarette — plus de deux paquets par jour… —, change son régime alimentaire d’un homme en surpoids et se lance. Chaque jour, ses efforts, ses entraînements, ses courses, ses performances — son premier marathon comme une étape majeure, et d’autres projets comme courir seul de marathon à Athènes, quand il franchit la ligne d’arrivée après 11h42 de course… —, et à chaque nouvelle victoire sur la distance et le chrono c’est une victoire pour lui-même. En ce sens, Autoportrait de l’auteur en coureur de fond est un beau récit inspirant pour tous ceux qui ne comprennent pas encore ce plaisir particulier de courir pour rien d’autre que son propre plaisir. En outre, il appuie sur l’importance de ne pas avoir l’esprit de compétition et d’accepteur la défaite comme nécessité pour progresser, rester humble car, quoi qu’il arrive, il y aura toujours un meilleur coureur, voire une distance hors de portée et qu’il convient de rester humble.

Courir pour écrire

[…] la plupart des techniques dont je me sers comme romancier proviennent de ce que j’ai appris en courant chaque matin.

La course, chez Murakami, est indistincte de la créativité. Courir l’a aidé à poursuivre son métier d’écrivain, à construire certaines de ses œuvres et à durer. Ecrire, dit-il, est un marathon, pas un sprint, aussi le parallèle entre l’écriture et la course de fond est-il plus que lié. Il avoue ne pas savoir précisément ce que ses romans doivent à la course, mais il sait aussi de manière certaine tout ce qu’il doit à la course en tant qu’écrivain.

Le lecteur ne trouvera pas des techniques, un guide, ni même des conseils aux jeunes poètes, dans ce parcours d’un écrivain qui pratique la course. Mais, bien plus, non pas le chemin à suivre, mais le propre chemin qu’a suivi Murakami dans son parcours d’écrivain. Et ainsi la motivation pour trouver son propre chemin, en comprenant combien Murakami a été construit comme écrivain par la course.

Autoportrait de l’auteur en coureur de fond est un livre qui intéressera, bien sûr, tous les lecteurs assidus de Murakami et tous ceux qui cherchent le souffle d’écrite. Mais il séduira aussi les amateurs de course qui trouveront un réconfort spirituel, une finalité autre que la course même, qui déjà, en soi, est pure plaisir.

Loïc Di Stefano

Haruki Murakami, Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, Belfond, octobre 2025 (nouvelle édition), 184 pages, 20 euros

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