Le duc de Marlborough, le grand général de l’Angleterre du XVIIIe siècle

Un spécialiste de l’histoire militaire des XVIIe et XVIIIe siècles

Ancien élève de l’école des chartes, Clément Oury est directeur adjoint de la bibliothèque du muséum d’histoire naturelle. Il est aussi un spécialiste reconnu de l’histoire militaire durant la période moderne et on lui doit une grande synthèse de très haute volée, La Guerre de Succession d’Espagne (Tallandier, 2020) : il analysait avec brio un conflit qui avait entériné la fin du siècle de Louis XIV et le début d’un conflit entre la France et l’Angleterre qui allait durer jusqu’en 1815. Il revient ici avec une biographie d’un des acteurs les plus célèbres de ce conflit, John Churchill, futur duc de Marlborough et ancêtre du grand Winston Churchill avec un sous-titre éloquent : « le plus redoutable ennemi de Louis XIV ».

Le plus séduisant des courtisans

John Churchill est un personnage de roman. Noble quelque peu désargenté, il bénéficie du retour des Stuarts en 1660 et du soutien constant que son père leur avait accordé. Le jeune John, bel homme, intelligent, séduisant, devient la coqueluche de la Cour, partageant même ses maîtresses avec le roi Charles II. Il finit par entrer dans l’entourage du duc d’York, le futur Jacques II, dont il est le favori. Il épouse la femme qu’il aime, Sarah, une intime d’Anne, la fille du duc d’York. On est ici devant un parcours de courtisan typique, d’un noble aux belles manières mais qui n’hésite pas à aller sur les champs de bataille montrer sa valeur : il fait ses premières armes aux côtés des Français sous le commandement de Turenne.

Le choix tactique de la Révolution

Le futur Jacques II se convertit au catholicisme, un problème dans un pays protestant. Churchill reste l’un de ses affidés mais se place, au cas où. Car Jacques II, roi à la mort de son frère Charles II, est maladroit, peu soutenu par l’Angleterre et la naissance d’un « dauphin » baptisé dans la religion catholique, contrairement à ses sœurs Mary et Anne, dégrade la situation. Lorsque l’époux de Mary, Guillaume d’Orange, débarque en Angleterre, John Churchill trahit son patron Jacques II. Cela le lui sera reproché. Surtout que l’homme est retors et garde des contacts avec l’entourage de son ancien roi en exil, au cas où. Toujours tout prévoir…

Un militaire de renom

Churchill va construire sa réputation sur les champs de bataille, d’abord en Irlande face aux partisans de son ancien Roi. Puis en Europe lorsque la guerre de succession d’Espagne éclate. Il y montre un vrai coup d’œil tactique, un très bon sens du leadership… tout en s’enrichissant beaucoup. Il a le soutien de la reine Anne (à partir du décès de Guillaume d’Orange en 1702) grâce à sa femme Sarah et il remporte des victoires éclatantes contre les Français : Blenheim, Ramillies… Sur le front diplomatique, le nouveau duc de Marlborough s’affirme comme le tenant d’une politique maximaliste contre la France. Dans son pays, il est critiqué pour son goût de l’intrigue, louvoyant entre les courants Whig et Tory et finit par perdre le soutien de la reine Anne… Au final, quelle vie ! et il a réussi à créer une dynastie familiale, toujours en possession du Blenheim palace. Un personnage d’exception, avec bien des ombres (quel goût pour l’argent !) à qui cette excellente biographie de Clément Oury rend justice.

Sylvain Bonnet

Clément Oury, Le Duc de Marlborough, Perrin, mai 2022, 512 pages, 24 euros

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