Joseph Kabris, un inconnu de l’histoire

Un chercheur singulier

Historien et sociologue, Christophe Granger est maître de conférences à l’université Paris-Saclay. On lui doit des ouvrages iconoclastes comme Le vase de Soissons n’existe pas & autres vérités cruelles sur l’histoire de France (Autrement, 2013) ou La saison des apparences, naissance des corps d’été (Anamosa, 2017). Ici, avec cet essai biographique qu’est Joseph Kabris, publié en grand format chez Anamosa et Prix Femina en 2020, il se propose de revenir sur un cas très singulier.

Un parcours hors normes

Voici l’histoire de Joseph Kabris, français né à Bordeaux en 1780 et mort en 1822. Devenu une bête de foire, il racontait son histoire en expliquant ses tatouages aux badauds, aux enfants, aux curieux. Car Kabris a vécu une vie en dehors des règles. Jeune marin, il a fui son navire au large de l’île de Nuku Hiva (là où Pierre Loti situera l’action d’un de ses romans, Le mariage de Loti), dans l’archipel des Marquises. Là, contrairement aux autres naufragés, Kabris s’est assimilé aux habitants, intégrant leur société, faisant siennes leurs mœurs, leur façon de vivre. Il s’est marié, il est devenu père, il a pris part aux guerres locales. Il a oublié son identité française… jusqu’au jour où un navire russe arrive, l’utilise comme interprète et le garde au moment du départ. Kabris, une fois en Russie, devient une bête curieuse qui attire parfois la sympathie des puissants comme le Tsar Alexandre mais de retour, il n’est pas question…

Entre deux mondes

Voici donc le parcours d’un homme qui a épousé plusieurs identités, parlé plusieurs langues, navigué dans des sociétés complètement différentes. Au fond, comment a-t-il fait ? C’est une question légitime, à l’heure où le monde connaît des migrations importantes qui posent la question des identités multiples. Une chose est sûre, Kabris avait choisi Nuku Hiva et toute sa vie postérieure se construit dans le regret de ce qu’il avait vécu là-bas. Une histoire fascinante.

Sylvain Bonnet

Christophe Granger, Joseph Kabris, Flammarion, mars 2022, 576 pages, 15 euros

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