Pompes funèbres, morts célèbres
Ancien professeur à Science po, auteur de biographies consacrées à Clemenceau (Perrin, 2007), Flaubert (Gallimard, 2013) ou François Mitterrand (Gallimard, 2015), Michel Winock est un historien spécialiste de la politique française, connu de nombreuses générations d’étudiants. Il publie ici un livre singulier, Pompes funèbres, consacré… aux funérailles de personnalités publiques durant les quarante premières années de la IIIe république.
L’histoire à travers les morts

Michel Winock explique son but : raconter la IIIe République à travers ses morts célèbres (maintenant que les français ne connaissent plus que la Ve) et leurs funérailles, objet de manifestations publiques et politiques d’envergure. Il choisit de raconter l’installation de cette République tant crainte à travers les funérailles de politiques comme Adolphe Thiers (responsable de la répression de la Commune mais aussi libérateur du territoire occupé par les allemands), Gambetta, Jules Ferry ; d’écrivains comme Hugo bien sûr, dont les funérailles attirèrent des centaines de milliers de personnes, mais aussi la poète Louise Colet ou George Sand. Et puis il y aussi Jules Vallès, Louise Michel, l’inénarrable Henri Rochefort (qui passa de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, un précurseur de notre temps troublé).
Qu’en reste-t-il ?
Un mot déjà : toutes ces funérailles sont une occasion de se retrouver et de célébrer la République (pas forcément la même) ou une cause politique. Ces années 1870-1914 furent en effet très intenses politiquement, de la crise du 16 mai 1877 au scandale de Panama, du boulangisme à l’affaire Dreyfus, sans oublier la séparation de l’église et de l’État. Aucun des personnages cités ne laissa indifférent, tous furent des acteurs de cette histoire, y compris des présidents honnêtes mais falots comme Sadi Carnot ou Félix Faure (mais quelle belle mort !). Les funérailles de Rochefort furent ainsi un moment paradoxal, où des extrémistes se retrouvèrent, à l’image d’une vie déconcertante. En tout cas Michel Winock signe ici un bel ouvrage.
Sylvain Bonnet
Michel Winock, Pompes funèbres, Perrin, août 2024, 352 pages, 21 euros