« Miss » de Jean-Claude Lalumière

Roman à l’humour caustique sous forme de récit écrit à la première personne où l’auteur se glisse, comme son titre l’indique, dans la peau d’une jeune prétendante, Miss interroge le factice de la célébrité contemporaine et ses dérives ainsi que l’exploitation de ceux qui en sont victimes. Nous suivrons les péripéties de Morgane qui, bien qu’ayant entamé des études de lettres, met tout en œuvre pour remporter l’élection de La Plus Belle Femme de France, sa beauté et sa jeunesse étant pour elle des outils de promotion sociale. Jeune femme happée par cette célébrité qu’elle a recherchée coûte que coûte afin de s’extirper d’une existence sans grandes perspectives, passant de sa province natale pour un appartement « de fonction » Place de l’Etoile une fois promue, la provinciale va être jetée sous les feux des médias pour devenir un personnage public désincarné.

A travers les tribulations de cette jeune reine de beauté exhibée et servant docilement une société contemporaine dominée par la spectacularisation du quotidien, cette satyre à peine voilée du système des Miss France (le personnage de La Baronne rappelant ô combien Geneviève de Fontenay) nous y croiserons des Thénardier, profiteurs de bas étage et imbéciles utiles évoluant dans cette ère du vide où les enveloppes charnelles remplissent le néant existentiel de notre époque. Epoque où la course à la célébrité via les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter ou encore Instagram est devenue pour certains un objectif de vie. 

Devenue une « femme vitrine », exhibée comme une bête de foire dans les grandes surfaces où le peuple se masse pour la voir en chair et en os ou effectuer des selfies avec La Plus Belle Femme de France, nous la suivrons sillonner la France contemporaine afin de donner à chacun sa part de rêve. Ce ‘tour de France” est l’occasion pour l’auteur de traiter de manière subliminale de la complexité sociale, économique et culturelle de notre pays, de prendre la pleine mesure du fossé qui sépare la Province de la capitale et des murs de Berlin érigés entre les différentes classes de la population qui composent désormais notre pays.

Au final, par écœurement Morgane organisera son suicide médiatique dans un monde où le plus important est de faire parler de soi, en bien ou en mal peu importe. Elle sera malgré tout licenciée par La Baronne et obtiendra ce qu’elle désirait ardemment et n’aurait jamais pensé retrouver : une vie « normale ». Morgane reprendra donc les bancs de l’université et ses études de Lettres incognito, proposant à un mystérieux écrivain de lui fournir le matériau nécessaire pour le roman qu’il projette, ce dernier dédié aux concours de beauté et l’univers qui va avec… On ne sait alors où commence et s’arrête la fiction.

Chose certaine, une fois achevé ce roman, on a envie de crier : du pain, des jeux et des Miss !

 

Romain Grieco

 

Jean-Claude Lalumière, Miss, Arthaud, avril 2018, 304 pages, 19,90 euros

Laisser un commentaire