Les Marines, histoire d’un corps d’élite
Co-auteur de L’infographie de la seconde guerre mondiale (Perrin, 2018) et d’un bon livre sur le débarquement dans la collection « vérités et légendes » de Perrin, Nicolas Aubin est bien connu des aficionados d’histoire militaire grâce à sa collaboration régulière au magazine Guerres & histoire, dirigé par Jean Lopez. Il a publié chez Perrin à l’automne 2014 un livre somme sur le corps militaire américain le plus célèbre, les Marines.
Des débuts difficiles

Nicolas Aubin a choisi de raconter les cent cinquante années précédant le fait d’armes qui a fait connaître les Marines au monde, la bataille du bois Belleau en 1918. Et on peut dire sans conteste que la gloire ne fut pas au rendez-vous. Ces compagnies de soldats embarqués à bord de la Navy, formés dès 1775, ne font guère parler d’elles. On les retrouve durant la guerre du Mexique pour un fait d’armes, la prise du palais de Moctezuma, largement discutable. Durant la guerre civile, les Marines ne brillent guère plus et frôlent la catastrophe à la bataille de Bull Run contre les confédérés en 1861. Par contre, ils sont le bras armé de l’impérialisme américain lors de la guerre hispano-américaine ou lors d’interventions à Haïti et en République Dominicaine. Le corps y développe alors des tactiques contre-insurrectionnelles qu’il oubliera totalement lors de la guerre du Vietnam.
La gloire de la guerre du Pacifique… et après
Les Marines vont connaître leur moment de gloire, et aussi leur ordalie, lors de la seconde guerre mondiale. Après avoir réussi à préserver leur identité durant l’entre-deux-guerres, les voici en première ligne, d’abord à Wake Island où leur résistance suscite l’admiration puis lors des batailles de Guadalcanal, de Tarawa et d’Iwo Jima. Le corps se révèle aussi excellent en termes de communication (une constante depuis les débuts du Corps) vis-à-vis du public américain : le Marine devient alors l’image du soldat ultime, prêt au sacrifice suprême. Après 1945, le corps des Marines subit une cure d’amaigrissement, austérité budgétaire oblige, jusqu’à la guerre de Corée qui tombe à pic : on songeait à les mettre sous tutelle de la Navy. Durant la guerre du Vietnam, le bilan est mitigé même si les Marines remportent la bataille de Khe Sanh où celle de Huê. Durant les deux guerres d’Irak le bilan est plus mitigé, surtout sur le plan de la contre-insurrection. Les réflexions en cours quant aux conflits à venir sont cruciaux pour ce corps d’élite, surtout quand on voit la guerre en Ukraine.
Les Marines dans la culture populaire
Un des intérêts de l’ouvrage est de montrer comment l’image du Marine s’est créée, comment aussi le cinéma l’a popularisé : songeons à Iwo Jima d’Allan Dwan avec John Wayne dans le rôle du sergent idéal, puis au Maître de guerre de Clint Eastwood et aussi à Aliens de James Cameron avec ses Marines spatiaux (le jeu Warhammer 40 000 a recyclé cette imagerie). Full Metal Jacket de Kubrick dans sa première partie (magistrale) plonge le spectateur dans l’entraînement des futurs Marines, critiquant les méthodes employées et les rituels d’humiliation. Et pourtant le film a rendu le corps encore plus populaire aux Etats-Unis auprès des jeunes ! ce corps d’élite est quasi-intouchable aujourd’hui.
Sylvain Bonnet
Nicolas Aubin, Les Marines, histoire d’un mythe américain, Perrin, octobre 2024, 544 pages, 26 euros