Traces, autobiographie de Niki de Saint Phalle

21 ans près sa disparition, Gallimard publie dans l’élégant format semi poche de la collection « L’imaginaire » Traces, l’autobiographie de Niki de Saint Phalle (1930-2002). Cette artiste avant-gardiste majeure, emblématique de son temps et au parcours tellement riche, est connue du grand public pour ses nanas, qui ne sont que la partie la plus facilement abordable de son incroyable créativité. Elisabeth Lebovici, historienne de l’art, journaliste, critique d’art et militante féministe (notion importante pour comprendre Niki de Saint Phalle), préface ce livre. Catherine Meurisse, illustratrice, dessinatrice de presse et autrice de bande dessinée, en fait la synthèse dessinée avec l’analyse artistique qu’on lui connait.

De l’émotion brute

Quand mes parents m’ont expédiée au couvent … je suis devenue une athée militante, à la grande gêne de maman et des religieuses…

Agnès de Saint Phalle rebaptisée Niki témoigne et raconte sa vie depuis sa naissance jusqu’à son mariage, d’un pays à l’autre, de bonheurs aux malheurs, de questionnement en réponses. D’autres épisodes suivront pour parcourir et comprendre ce qui a conduit à son immense succès, dont nous comprenons déjà les prémices.

Déambuler dans la vie d’une artiste est toujours fascinant. Entrer dans son intimité comme elle l’évoque est bien plus touchant. Elle nous parle des membres de sa famille, de son oncle préféré, de son frère le tourmenteur, de New York et des guerres. Guerre économique après le krach et passer à celle d’Hitler qui l’obsédait. Mais des sujets plus étonnants comme les rats et surtout ses pensées de liberté, prémices de son indépendance en tant que femme. 

Niki pourrait être réduite à ses « nanas » qui ne doivent pas occulter la somme de ses multiples peintures, gravures, sculptures et réalisations cinématographiques.

Touchantes traces de vie

Quand on ne connait pas l’œuvre de Niki de Saint Phalle, ce livre émerveille. Quand on a parcouru ses œuvres, on comprend certaines influences. Le témoignage d’une vie riche de découvertes, d’expériences. Mais ce livre est bien plus qu’une autobiographie entamée à la mort de ses parents, c’est un récit dessiné et illustré. On commence à lire et sans s’en rendre compte on tourne les pages pour observer ses dessins, ses courbes, ses couleurs et ses photos restylées et coloriées. On le sait, la vie de Niki est faite d’œuvres d’art exubérantes et colorées. Comme elle a vécu, elle se livre sans détours et l’affirme avec joie et humour. 

New York l’a façonnée, cette ville si hétéroclite lui a montré une autre dimension, si éloignée de la France, une diversité qui lui a été un choc culturel. Dans cette ville étrangère, la proximité avec sa famille a permis des moments de partage et des expériences importantes et constructives. Mais aussi quelques mauvais traitements de son père sur lesquels elle s’épanche.

Nous avons le plaisir d’avoir deux artistes qui préfacent cet émouvant ouvrage. Elisabeth Lebovici figure de l’anticonformisme et Catherine Meurisse qui use de ses mains, de son dessin pour exprimer en une image ce qu’elle pense de sa grande sœur Niki. Quelques mots et un dessin apparaît. Une femme chevauchant ou plutôt dressant un cheval sur le lit de sa chambre avec vue sur ce qui paraît être New York. Voilà un résumé de la vie de Niki, ne jamais se contraindre mais vivre sa destinée avec brio.

C’est elle, la rue de New York, sa diversité humaine extraordinaire, qui a nourri mon expérience et ma vie. C’est d’elle que je viens, c’est à elle que je dois de pratiquer un art populaire.

Traces est le récit d’une vie, d’un parcours, d’une force qui avance. Et Nikki de Saint Phalle, pour ceux qui la découvre aujourd’hui, reste une artiste inoubliable.

Xavier de La Verrie

Niki de Saint Phalle, Traces, préface d’Elisabeth Lebovici et Catherine Meurisse, Gallimard, octobre 2023, 176 pages, 29 euros

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