The Marvels, Nick Fury et ses drôles de dames

Carol Danvers alias Captain Marvel doit désormais assumer les conséquences de ses actes et affronter une nouvelle némésis, à même de détruire tout ce qui lui est cher. Dans son combat, elle pourra compter sur le soutien de sa « nièce » Monica Rambeau et sur sa supportrice numéro un, Kamala Khan. Les Marvels entrent en action…

L’ère super-héroïque touche peut-être à sa fin, ce pour le plus grand bonheur des détracteurs du genre. Les échecs cuisants récents, essuyés par l’écurie DC et la chute considérable d’audience pour les opus du MCU, films ou séries, confirment, a priori, la perte d’intérêt du public pour les personnages en costume moulant. Les admirateurs des débuts, las de la surproduction du genre et déçus par la qualité décroissante des films, commencent à passer à autre chose. L’époque des Superman et consorts paraît révolu, même si les studios ne désirent pas l’accepter, quitte à risquer le tout pour le tout.

Le grand ordonnateur Kevin Feige continue, quant à lui, sur sa lancée et son MCU poursuivra donc sa route coûte que coûte. Et il faut désormais suivre les contenus estampillés Disney+ pour comprendre les œuvres à venir, à commencer par The Marvels, dont certains protagonistes ont été introduits dans WandaVision et Ms Marvel. Une nécessité qui en rebutera plus d’un… voilà pourquoi, en sus de sa gestation chaotique qui laissait présager du pire, le film de Nia DaCosta ne suscite aucun engouement (les prédictions au box-office américain s’avèrent peu emballantes), l’overdose MCU a achevé même les plus curieux.

Qui plus est, le premier volet dédié aux aventures de Brie Larson, en dépit de son score faramineux en termes d’affluence, agaçait par ses aspects insipides et le côté peu sympathique de son interprète, pourtant consacrée par l’Oscar de la Meilleure actrice pour Room en 2016. En s’ajoutant aux autres reproches listés auparavant, cet argument finirait par rejeter The Marvels sans même l’avoir vu. Néanmoins, le long-métrage mérite le coup d’œil, puisqu’il rassemble à la fois tous les écueils de la franchise, mais aussi, à certains moments, les quelques démonstrations de grâce qui instillaient de la force aux travaux de Joss Whedon sur Avengers ou de Joe Johnston sur Captain America : First Avenger.

Plus haut, plus vite… plus dure sera la chute

Depuis la déferlante de l’insupportable Deadpool, Warner et Disney se sont engouffrés dans l’absurdité vaudevillesque des aventures du héros incarné par Ryan Reynolds. Les traits d’humour bien sentis d’Avengers ont laissé la place à ceux bien plus graveleux de James Gunn ou à ceux insipides dans les productions suivantes de DC ou de Marvel (de Suicide Squad à Spiderman: Far From Home). Par ailleurs, jamais le ton dramatique, assez juste, adopté lors de la mort de l’agent Coulson dans Avengers n’a été employé à bon escient par la suite. L’absence de talent des cinéastes en charge et le contrôle de Kevin Feige ont balayé les quelques onces d’émotion pure…

Et à bien des égards, The Marvels n’échappe pas à ce triste constat. Trop souvent, les tirades relèvent de la comédie inepte et les rares moments de tension sont mal maîtrisés par la réalisatrice. Si elle a la décence de ne pas les désamorcer par le rire comme l’exige la formule Feige, elle ne parvient jamais à les retranscrire de manière crédible. En outre, la pauvreté du script n’aide en rien les actrices et le rythme décousu noie parfois le spectateur sous une diarrhée d’images informes. Par ailleurs, on regrette que certaines idées ne soient qu’esquissées, notamment quand Nia DaCosta aborde sans grande conviction les remords d’une Captain Marvel, devenue presque un remède mortel aux problèmes de l’univers. Fort heureusement, Nia DaCosta peut au moins se reposer sur certaines facettes de son talent et les dévoiler, certes par intermittence.

Anarchie cosmique

Et parmi les quelques artifices un poil audacieux (un poil, mais pas vraiment passionnant), on dénotera le concept de permutation permanente entre les trois héroïnes, qui échangent leurs places lorsqu’elles déploient leurs pouvoirs étincelants (même si les effets spéciaux laissent encore à désirer…). Cette astuce engendre des situations amusantes et s’accorde à une mise en scène fonctionnelle au cours des joutes opposant le trio à leur ennemie (bien oubliable, on attend d’ailleurs un adversaire d’une envergure et d’un charisme comparable à celui du Thanos de Josh Brolin). Quoi qu’il en soit, Nia DaCosta s’échine à appliquer la méthode de Kevin Feige tout en conservant, par interstices, une once de personnalité.

La réalisatrice du remake de Candyman offre quelques secondes de farce cosmique durant lesquelles le rire se mélange à la terreur, le concept des chats aux tentacules gargantuesques opérant assez bien, tout comme le passage aux allures de comédie musicale. Ces procédés filmés efficacement, certes sans génie, sentent le réchauffé, mais sauvent l’ensemble de la standardisation made in Kevin Feige. Quant à Brie Larson, elle délivre une prestation un poil plus honorable que dans le précédent opus. En outre, on serait presque frappé par ce plan furtif où elle se retrouve esseulée dans l’espace infini. Ces quelques secondes fascinantes font regretter la vacuité d’un système qui empêche les auteurs d’exprimer leur savoir-faire (à quelques exceptions près, il est vrai).

Par conséquent, The Marvels symbolise parfaitement le gâchis d’une franchise, bien que le long-métrage de Nia DaCosta ne s’avère pas autant catastrophique qu’Ant-Man : Quantumania. Soufflant trop peu le chaud et souvent le froid, cette énième production du MCU atteste de la capacité du studio de proposer aussi bien le meilleur sur de courtes périodes que le pire, la plupart du temps. L’héritage d’Avengers de Joss Whedon a hélas, été dilapidé.

Film américain de Nia DaCosta avec Brie Larson, Teyonah Parris, Iman Vellani, Samuel L. Jackson. Durée 1h45. Sortie le 8 novembre 2023.

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