Nous, l’Europe, banquet des peuples


Voici un livre puissamment original. Ni récit, ni roman, c’est en fait un poème, en vers libres, dont le héros est une héroïne : l’Europe. Laurent Gaudé a intitulé ce livre Nous, l’Europe, banquet des peuples, titre ambigu et platonicien, qui ne dit pas le vrai sujet de l’ouvrage. Celui-ci est : l’histoire des européens depuis deux cents ans, histoire douloureuse de convulsions, de guerres effroyables, et de souffrances inexprimables. Mais aussi histoire admirable de rédemption, de civilisation, de paix, de rêves, et de pardons. Et pour finir : histoire d’un espoir malmené ces derniers temps : l’espoir que cette Europe libre continue et perdure. 

un long poème singulier

C’est peu dire que ce long poème est singulier, et qu’à ce banquet on s’assoie volontiers. Si quelques vérités nous éclatent à la figure, toujours le lyrisme accompagne le réalisme. Et toujours le choix des mots, le rythme des phrases, donnent de la force à l’écriture, et de l’intensité au propos. Le fond et la forme, en quelque sorte, utilement réunis en seize chapitres.  Ils partent de la société du charbon jusqu’au « visage lumineux de l’audace, de l’esprit et de la liberté », en passant par « la jeunesse aux seins nus », et « la valse des vieux généraux »…. 

Laurent Gaudé construit sans tapage une œuvre subtile de dramaturge et de romancier, chez Actes Sud. Le Soleil des Scorta, et La Mort du roi Tsongor ont été couronnés de prix. Plus récemment,  Salina, les trois exils a reçu un accueil enthousiaste. Avec Nous, l’Europe, banquet des peuples, l’écrivain ouvre un nouveau chemin, quittant la fiction pour une actualité immédiate (1). 

Avec un humanisme fécond, sans rien oublier des douleurs passées, mais confiant dans l’avenir, Gaudé se fait le chantre de l’Europe idéale, sereine et apaisée. A lire, donc, pour ne pas céder paresseusement aux sirènes du déclin. 

Didier Ters

Laurent Gaudé, Nous, l’Europe, banquet des peuples, Actes Sud, juin 2019, 180 pages, 17,80 eur

(1) Notons tout de même que Laurent Gaudé a déjà écrit des romans-témoignages, sur un séisme en Italie (La Porte des Enfers, 2008) mais surtout sur les migrants (Eldorado, 2006), et qu’il semble ici poursuivre son chemin de témoin engagé.

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