La France d’hier, remonter le temps

Un parcours mouvementé

Après des études de Philosophie et de sociologie à Caen — où il fait la connaissance de Marcel Gauchet —, Jean-Pierre Le Goff fait partie d’un groupuscule maoïste qu’il finit cependant par abandonner. Un temps dans la formation, il intègre l’université puis est engagé par le CNRS. Il a forgé la notion de « Gauchisme culturel », née selon lui après mai 68 et qui irrigue les médias et dont il a fait l’une des idées forces de son livre Mai 68, l’héritage impossible (La découverte, 1998). On lui doit également La Fin du village (Gallimard, 2012) et La France d’hier, exercice d’ « égo-histoire » où il raconte son enfance et aussi la France dans laquelle il a grandi, paru chez Stock en 2018 et qui a obtenu le prix du livre d’histoire contemporaine. Le voici maintenant qui arrive en poche dans la collection « Champs » de Flammarion.

L’Atlantide de la mémoire

Le récit de Jean-Pierre Le Goff nous entraîne à la découverte de la France des années 50, un pays en pleine reconstruction et encore largement tourné vers les traditions. Le catholicisme y imprègne encore chaque moment de la vie. Comme Jean-Pierre Le Goff le rappelle, on vit alors chichement, sans le confort de la société de consommation, de la même façon qu’au XVIIIe et XIXe siècles. Les parents de l’auteur sont à l’image de ce monde. Lui est un pêcheur, un travailleur manuel, peu tourné vers la religion tandis que la mère est d’une famille de petits commerçants, très pieuse après une jeunesse un peu mouvementée (elle a eu une fille d’un premier mariage). Le petit Jean-Pierre grandit à l’ombre des clochers tandis que la vie change. A la Hague on construit une usine de retraitement des déchets nucléaires. Et on construit des immeubles, on refait les centre villes. Le petit Jean-Pierre ne le sait pas mais la France vit les trente glorieuses.

Un nouveau monde

Petit à petit, la religion perd peu à peu son importance pour les jeunes comme Le Goff. Les réformes du concile Vatican II amènent les prêtres à changer leur attitude envers la jeunesse, essayant de la conseiller en adoptant une imagerie plus sentimentale du catholicisme : cela ne marche pas bien sûr, Le Goff décrit leurs efforts pathétiques avec une ironie distancée. Les mœurs changent, les jeunes hommes veulent flirter avec les filles, Dylan devient aussi important que Sartre (que Le Goff lit sans plaisir). C’est la première fois dans l’histoire que les adolescents sont aussi importants dans une société (grâce au babyboom) et s’imposent en tant que groupe. Et puis arrive Mai 68… La France d’hier décrit le monde d’avant, celui des terroirs et des traditions, des habitudes en général et du fatalisme face à la nature. Ce monde a totalement disparu aujourd’hui mais son ombre ne cesse de nous hanter.

Cet excellent exercice d’ « égo-histoire » complète d’une certaine façon La Fin du village que l’auteur avait fait paraître en 2012. Un bel ouvrage même si on sent ici et là un règlement de compte de l’auteur avec le gauchisme de sa jeunesse.

Sylvain Bonnet

Jean-Pierre Le Goff, La France d’hier – récit d’un monde adolescent, Flammarion « champs », mars 2018, 468 pages, 10 eur

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