Histoire du djihad, l’écart entre un mot et une idéologie
Chercheur associé à l’université de Poitiers, Olivier Hanne est un spécialiste de l’islam. On lui doit notamment L’Alcoran, comment l’Europe a découvert le Coran (Belin, 2019) et L’Europe face à l’Islam, histoire croisée de deux civilisation VIIe-XXe siècle (Tallandier, 2021). Il vient de publier ces jours-ci une histoire du djihad.
Un mot au destin complexe
A l’origine, il y a un mot arabe qui signifie l’effort, le zèle vers un but déterminé, utilisé dans certaines sourates. Or ce mot a dérivé de son sens originel pour devenir le djihad, interprété comme une sorte de guerre sainte, miroir inversé de la notion chrétienne de croisade, pour donner naissance au djihadisme contemporain. Olivier Hanne, arabisant, retrace avec minutie comment le mot « djihad » a pu, à certaines époques, être synonyme de guerre et justifier le meurtre ou l’assassinat de chrétiens, de juifs ou d’hérétiques (les chiites par exemple). L’appel au djihad a pu ainsi servir certains sultans. Il a pu aussi n’avoir aucun effet : lors de la grande guerre, il y eut un appel au djihad lancé par le sultan turc vers le Maghreb colonisé par la France, avec très peu d’effets notables.
Le djihadisme contemporain
Pour Olivier Hanne, le djihadisme contemporain a beaucoup à voir avec l’état des sociétés arabes et à leur sous-développement, sans compter l’absence de démocratie. Et puis le monde arabe a aussi été un des champs de bataille de la guerre froide, les États-Unis instrumentalisant l’islam et le djihad pour faire échec aux soviétiques en Afghanistan : tout ceci est documenté. Al Qaïda puis Daesch ont remobilisé la notion de djihad, facilement compréhensible, aussi à cause de l’état des sociétés arabes.
Histoire du djihad est un livre touffu, souvent passionnant. Il aide à réfléchir sur un phénomène souvent vu de manière déformée en Occident.
Sylvain Bonnet
Olivier Hanne, Histoire du djihad, Tallandier, mai 2024, 512 pages, 24,50 euros