Extérieur monde d’Olivier Rolin
Olivier Rolin nous a habitués depuis plus de trente ans à ses escapades lointaines en Russie, au Soudan ou en Sibérie, entre autres. Ses récits, romans et essais, ont récolté assez de prix pour lui faire une réputation de voyageur, qui est aussi celle d’un écrivain. Extérieur monde, c’est le joli titre de son dernier livre, qui est, dit-il, « un voyage à travers mes voyages ». Autrement dit, une compilation de ces villes, ces paysages, ces personnages et ces terres lointaines, qui ont imprimé sa mémoire assez durablement pour qu’ils ressurgissent sous sa plume.
Le détroit de Magellan et ses baleines lui sont aussi inoubliables que les potiers de Saqqara en Egypte, l’éruption d’un volcan en Colombie, les quais du Pirée, ou ses multiples escales dans la chaleur de Khartoum. Rolin est un livre de géographie à lui tout seul, sans qu’il soit besoin de carte ni d’atlas, car peu importe où il est, le charme de l’écriture pourvoit au dépaysement.
Il va sans dire que l’homme est cultivé, et qu’en bon écrivain, il a lu tous les autres. Michaux, Marquez, Cendrars, Proust, Hugo, Malraux, accompagnent le lecteur, eux aussi, sans omettre quelques coups de sabre effilé, à l’endroit de ceux qu’il n’aime pas. Le Clézio, par exemple « ce Prix Nobel pour boy-scout ». Et vlan !
Et avec ceux-là, nous repartons vers la Chine, l’Algérie « je ne sais que penser de Constantine », et nous non plus, une église de Moscou « où parait-il Pouchkine s’était marié », la taïga en feu à Irkoutsk, Prague et le souvenir prégnant de Kafka, etc, etc.
Extérieur monde est un voyage dans le temps et dans l’espace, à la rencontre de gens passionnants et de lieux ignorés des brochures et des croisiéristes. Ce n’est pas grave, on n’a pas besoin de guide, Rolin est là. Et personne mieux que lui pour nous faire rencontrer un scientifique déjanté qui dégèle les mammouths au sèche-cheveux, un trappeur persuadé que les loups sont dangereux seulement en février, une attachée culturelle spécialisée des écureuils de Central Park, une libraire de Copenhague qui adorait Céline, et cent autres de cette sorte.
Ce voyage dans les voyages se lit avec le plaisir subtil des textes bien plus littéraires qu’il y parait, de sorte qu’aux voyages de l’auteur s’ajoute celui du lecteur, un vrai voyage d’agrément, celui-là.
Didier Ters
Olivier Rolin, Extérieur monde, Gallimard, septembre 2019, 300 pages, 20 eur