Jojo, le gilet jaune, les vieilles lunes ne meurent jamais

Une intellectuelle « installée » ?

Lancée au début de l’année, la collection « tracts » de Gallimard propose à des intellectuels d’intervenir directement via des brochures courtes dans le débat public. Depuis près de six mois, force est de reconnaître que le débat public en France est largement tributaire de la crise des gilets jaunes. Mouvement sans leaders mais avec une pléthore de porte-paroles, les Gilets jaunes ont commencé par des revendications sur le pouvoir d’achat puis se sont déplacés sur le champ politique, avec la proposition d’instaurer des référendums d’initiative citoyenne (RIC) et des appels au départ de l’actuel président de la République. Membre de l’académie française, ancienne de mai 68, Danièle Sallenave avec Jojo, le gilet jaune prend parti pour ce mouvement.

La vieille fascination pour la révolution

A cette auteure engagée, qui voit avec sympathie ce mouvement qui fait effectivement entendre une exigence de justice sociale oubliée par nos élites (il faut lire et relire l’auteur de Fractures françaises et No society, Christophe Guilluy, le seul à avoir vu venir cette crise), l’auteur de ces lignes va répondre franchement. Si on peut partager le dégoût des gilets jaunes pour les élites actuelles, complètement déconnectées des réalités quotidiennes, si on souhaite une révision complète des politiques actuelles menées depuis trente ans, on doit relever aussi les nombreux dérapages des gilets jaunes. Et c’est un euphémisme !

Au nom peut-être de sa fascination pour les « minorités agissantes » héritée des années 68, Danièle Sallenave minore l’effet des déclarations « complotistes » de certains Gilets jaunes comme Maxime Nicolle, ou la dévastation de l’arc de triomphe, les pharmacies brûlées et les magasins pillés. Et l’agression contre Alain Finkielkraut, collègue de Danièle Sallenave et soutien du mouvement à ses débuts ? On m’objectera qu’il ne s’agit pas des Gilets jaunes mais d’éléments isolés, voire de pillards ou d’agents provocateurs. Ah oui mais alors condamnez tout de même ces actes ! Quant aux blacks blocs, ils ont désormais largement infiltré ce mouvement et cherchent chaque weekend l’affrontement avec des forces de police qui, de plus en plus, commettent elles aussi des dérapages. Le peuple a-t-il toujours raison ?

Voilà la rengaine qui parcourt le texte de Danièle Sallenave. Et la réponse est non. Le peuple parfois se trompe. D’ailleurs, qu’est-ce que le peuple ? Vaste sujet…

L’avenir n’est pas écrit

Le mouvement perdure cependant. Que va-t-il se passer ? Changer de modèle de société peut paraître nécessaire à moyen terme. Les inégalités sociales se creusent depuis trente ans et rongent le tissu même de la France, sans parler de la contrainte écologique qui va de plus en plus s’imposer à nous. Mais la jacquerie actuelle est le meilleur moyen de renforcer la légitimé du système et, à court terme, elle aboutit à renforcer l’extrême-droite.

On se permettra donc d’être sceptique devant Jojo, le Gilet jaune… mais, cher lecteur, fais-toi ton avis et lis Danièle Sallenave !

Sylvain Bonnet

Danièle Sallenave, Jojo le gilet jaune, Gallimard, « tracts » n°5, avril 2019, 48 pages, 3,90 eur

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