Le siècle des révolutions, les débuts de la modernité

Le XVIIIe siècle au cœur 

Professeur à l’université de Franche comté, Edmond Dziembowski est un spécialiste de l’histoire du XVIIIe siècle tant en Angleterre qu’en France. Il est l’auteur de  Les Pitt. L’Angleterre face à la France, 1708-1806 (Perrin, 2006) et surtout de La Guerre de Sept Ans, 1756-1763 (Perrin, 2015), conflit très méconnu aujourd’hui en France mais qui marqua le début de la suprématie britannique dans le monde. Ce dernier ouvrage a reçu le prix Chateaubriand et le prix Guizot de l’Académie française. Avec Le Siècle des Révolutions, il se propose de revisiter la période 1660-1789.

Révolutions anglaises, américaine et européennes 

De ce livre touffu et enrichissant, retenons tout d’abord qu’Edmond Dziembowski remet au goût du jour le concept de Révolution atlantique cher à l’historien Jacques Godechot. Car il nous peint avec brio les poussées révolutionnaires de l’Ouest européen, de l’Angleterre aux Pays-Bas en passant par la petite république de Genève. La circulation des idées était beaucoup plus facile qu’on ne le pense, même en France où les livres interdits se trouvaient assez facilement (je renvoie aux travaux passionnants de Robert Darnton sur le sujet).

Reste que la Révolution anglaise, celle de 1688-89, est celle de l’affrontement entre la prérogative royale et le parlement. Les droits célébrés par les anglais et ensuite par les colons sont des droits « anciens » qu’il convient de restaurer. Toute autre sera la pensée révolutionnaire française mais aussi hollandaise, plus radicale.

Cette peinture traditionnelle est cependant à nuancer, le radicalisme politique étant beaucoup plus prégnant qu’on ne l’imagine en Grande-Bretagne : Pitt l’ancien sait en jouer habilement. On notera aussi que la crise de paranoïa anglaise vis-à-vis des catholiques à la fin de la décennie 1670 nuance le cliché de la traditionnelle tolérance d’Albion. 

L’apparition des patriotes 

Émerge aussi, et c’est tout l’apport de Dziembowski déjà dès son premier livre, les patriotes de part et d’autre de la manche puis de l’Atlantique. Le patriote se bat pour son pays. Il émerge durant la guerre de sept ans d’abord en Grande-Bretagne suite aux revers initiaux puis en France après les défaites sur mer et au Canada. Les patriotes sont prêts à donner. Mais ils réclament des droits : c’est tout le sens de la protestation des colons d’Amérique, no taxation without representation, ce qui n’exclut pas de leur part un certain égoïsme bien mis en évidence par notre historien. En effet, ils oublient qui les a protégés de la France (c’est d’ailleurs pour cela que Choiseul abandonna le Canada, persuadé que les colons se révolteraient sans la menace française). On retrouve ainsi des patriotes aux Pays-Bas et en France bien sûr pendant la décennie 1780. Le tort de Louis XVI en France aura été de céder trop facilement et de ne pas prendre la tête de ce « parti patriote » en formation.

Voici un grand livre qui incite à la réflexion. 

 Sylvain Bonnet 

Edmond Dziembowski, Le Siècle des révolutions, Perrin, septembre 2019, 576 pages, 27 eur

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