Vigilance, une anticipation glaçante
Un nouvel auteur prometteur
Aux États-Unis, Robert Jackson Bennet est connu comme l’auteur de deux séries, The divine cities et The founders, après s’être fait remarquer du public des amateurs avec American Elsewhere : ce livre-monstre conjuguait les influences de Stephen King et de Twin Peaks et a obtenu le prix Shirley Jackson en 2013. Il a été traduit chez nous par Albin Michel. Vigilance est une novella que les éditions Le Bélial ont choisi de publier dans leur collection « Une heure lumière ».
Cauchemar américain
La salle de régie se fige lorsque tous les producteurs de McDean s’interrompent, tournent la tête vers l’entrée et le voient sur le seuil. Ils le regardent, en attente, s’efforcent de déchiffrer son expression. Il les regarde à son tour d’un air renfrogné… puis un sourire naît sur son visage. « Salut les gars, lance-t-il d’un ton jovial. Qui est prêt à tuer des enculés ? » La salle de régie explose en acclamations et en applaudissements. Il entre et se prépare à lancer l’émission.
2030, bienvenue dans une Amérique trash et déclinante, dépassée par la Chine et désertée par ses jeunes les plus prometteurs qui ont préféré prendre le large. Le pays est de plus en plus en retard technologiquement tandis que l’environnement se dégrade. Quant à la violence… le système essaie de la canaliser grâce au show Vigilance produit par John McDean. Le principe en est simple : lâcher trois types armés dans un patelin paumé pour liquider leurs « cibles ». Si une des « cibles » abat un des tueurs, elle reçoit un gros paquet de fric. Et le tout est filmé pour le plus grand bonheur des téléspectateurs. Que le meilleur gagne !
Une dystopie totalement réussie
En lisant Vigilance, récit parfois âpre, dur, on pense à Running Man de Stephen King (1). On voit aussi dans le récit une critique de la téléréalité qui au début du siècle a envahi le monde occidental. Robert Jackson Bennet critique bien sûr la violence intrinsèque de la nation américaine, ainsi que sa fascination envers les tueurs, y compris ceux de Colombine. Le résultat est très efficace. On ne peut que recommander la lecture de cette novella, nouvelle démonstration de l’utilité de ce qu’on appelait dans les années 70 la « Speculative-Fiction ».
Sylvain Bonnet
Robert Jackson Bennet, Vigilance, traduit de l’anglais par Gilles Goullet, illustration de couverture d’Aurélien Police, Le Bélial, « une heure lumière », août 2020, 176 pages, 10,90 eur
(1) The Running Man est publié sous le pseudonyme de Richard Bachman en 1982. Le roman de King est adapté au cinéma par Paul Michael Glaser en 1987 avec Arnold Arnold Schwarzenegger. Entre temps, il y aura eu le film d’Yves Boisset, Le Prix du danger, en 1983.