Aliénor d’Aquitaine, une femme de pouvoir
Auteur d’une biographie d’Anne de Bretagne publiée en 1990, Philippe Tourault est un universitaire longtemps directeur de recherche en maîtrise. Récemment, il a publié Ces reines qui ont gouverné la France (Perrin, 2014) et signe ici un ouvrage sur la fameuse Aliénor d’Aquitaine.
Deux fois reine
Son parcours est en effet hors normes. Voici l’héritière d’un des plus grands duchés du royaume de France, l’Aquitaine, mariée à quinze ans par le roi Louis VI à son fils, le futur Louis VII. Lui a-t-on demandé son avis ? En tout cas, le jeune prince est fou amoureux de sa femme, peut-être trop pour certains de ses conseillers comme l’abbé Suger. Mais si le couple a deux filles, ils ne conçoivent pas d’héritier. La reine accompagne le roi en croisade mais les deux se fâchent, à cause d’un oncle qu’Aliénor voit trop souvent… Louis VII finit par obtempérer aux vœux de sa femme et le mariage est dissous… pour le grand profit d’Henri II Plantagenet, roi d’Angleterre, qui l’épouse. Là, elle a des fils, dont Richard cœur de lion et Jean sans terre, qui finissent par se révolter contre leur père avec souvent… le soutien de leur mère. Car Aliénor est une tête politique. Richard parti en croisade, c’est elle qui gouverne. L’accession de Jean au trône d’Angleterre ne diminue pas son influence qui ne prend fin qu’à sa mort.
Une femme de tête
La figure d’Aliénor a pâti de nombreuses attaques de chroniqueurs et d’historiens. On l’a peinte en Messaline avide de sexe (au point de séduire un Saladin de dix ans !), incestueuse et on en passe et des meilleures. Son itinéraire montre en tout cas que dans la société princière médiévale, des possibilités existaient pour des femmes, au-delà de leur rôle de procréation, de jouer un rôle politique de premier plan. Ici, Aliénor n’a pas démérité et a joué son jeu face à des rois d’Angleterre et de France parfois faibles et souvent retors. Cette biographie est en tout cas une occasion, par-delà certains préjugés historiographiques franco-anglais, de signaler un itinéraire passionnant, celui d’une femme qui a su affirmer une forme de liberté.
Sylvain Bonnet
Philippe Tourault, Aliénor d’Aquitaine, Perrin, septembre 2024, 256 pages, 22 euros
