« Plus jamais seul » de Caryl Ferey, le monde est une jungle

La locomotive de la Série noire

En l’espace d’une quinzaine d’années, Caryl Férey est devenu un des grands noms du polar français. Il a rencontré un grand succès public avec Haka (Baleine, 1998) et Utu (Série noire, 2004). Mapuche (Gallimard, 2012) et Condor (Gallimard, 2016) ont confirmé leur auteur comme une des signatures de la Série noire, en somme un nom qui fait vendre. Sa recette consiste à placer ses intrigues dans des pays étrangers, marqués par un passé douloureux (L’Argentine et le Chili avec la dictature, par exemple) avec en arrière-plan une critique politique et sociale qui le classe très à gauche. Férey a aussi un style, tripal et violent, et ses personnages, déchirés et tourmentés.

Plus jamais seul permet au lecteur de retrouver le personnage de Mc Cash, l’inspecteur borgne déjà vu dans Plutôt crever (Gallimard, 2002) et La Jambe gauche de Joe Strummer (Gallimard, 2007).

 

L’inspecteur ne renonce jamais

Toujours aussi cinglé, Mc Cash a donné sa démission de la police pour des raisons médicales. Il a en effet appris qu’il était en train de perdre la vision de son œil unique, petit à petit. Et Mc Cash a l’impression que le destin s’acharne sur lui : il s’est découvert une fille, Alice, treize ans au compteur. Voilà notre irlandais de sombre humeur, surtout qu’il s’attache à cette gamine au caractère bien trempé.

Alors qu’il la trimballe sur la côte bretonne pour les vacances, il apprend la mort en mer de son vieux pote Marco. Secoué par la nouvelle, l’ex-flic passe des coups de téléphone et acquiert très vite la conviction que ça sent très mauvais… Il décide de mener sa propre enquête, malgré sa gamine sur les bras. Il découvre que Marco avait épousé Zoé, la sœur de son ex-femme Angélique, également présente à bord du naufrage… Le passé rattrape Mc Cash qui commence à péter un câble.

 

Du sang, de l’amour et du noir en veux-tu, en voilà

Inutile d’ergoter, Plus jamais seul est un excellent roman noir, avec un personnage quasi iconique (difficile de faire mieux dans le genre homme bourru et défait par la vie, violent et attachant), une intrigue ancrée dans l’actualité : sans « spoiler », disons que Férey aborde ici le sujet des réfugiés. Le ton de l’auteur séduit : à la troisième personne, il réussit à nous donner le regard de Mc Cash sur le monde, un regard désespéré et ultra lucide (car rien ne va mes chers amis, au cas où vous ne le sauriez pas). Un roman de ce type permet de tenir les soirs où vraiment le désespoir sonne à votre porte.

Un excellent polar par un très bon écrivain.

 

Sylvain Bonnet

Caryl Férey, Plus jamais seul, Gallimard,  « Série noire », février 2018, 320 pages, 19 euros

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